La Cour internationale de Justice a jugé recevables les contre-plaintes déposées par la Russie dans le contentieux qui l’oppose à l’Ukraine au titre de la Convention sur le génocide. Cette décision procédurale, rendue début décembre, complexifie un dossier déjà hautement politique et prolonge un affrontement judiciaire appelé à durer plusieurs années.
Le 8 décembre 2025, la Cour internationale de Justice, principal organe judiciaire des Nations unies, a officialisé une décision attendue mais lourde de conséquences dans l’affaire dite des « allégations de génocide » opposant l’Ukraine à la Fédération de Russie. Par une ordonnance rendue le 5 décembre, la juridiction de La Haye a déclaré admissibles les contre-plaintes présentées par Moscou, les intégrant formellement à la procédure en cours.
L’annonce a été faite par la CIJ elle-même sur le réseau social X, dans un court fil de messages renvoyant à un communiqué détaillé. La Cour y précise que ces demandes reconventionnelles relèvent bien de sa compétence et qu’elles sont suffisamment liées, tant sur le plan factuel que juridique, à la requête initiale déposée par l’Ukraine. Dans la foulée, un nouveau calendrier procédural a été fixé, prolongeant l’instruction du dossier jusqu’à la fin de la décennie.
Pour mémoire, la procédure trouve son origine dans la requête introduite par Kiev le 26 février 2022, au lendemain du déclenchement de l’offensive russe. L’Ukraine accusait alors la Russie d’avoir instrumentalisé la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, en invoquant de prétendus crimes commis contre les populations russophones de Donetsk et de Louhansk afin de justifier son intervention militaire. Kiev demandait à la Cour de constater l’absence de toute preuve crédible de génocide et de dire que Moscou violait la Convention.
Dans un arrêt rendu le 2 février 2024, la CIJ avait reconnu sa compétence pour examiner la question centrale, tout en rejetant plusieurs griefs ukrainiens jugés extérieurs au champ de l’article IX de la Convention. C’est dans ce cadre que la Russie a déposé, en novembre 2024, un contre-mémoire contenant des contre-plaintes accusant l’Ukraine d’actes constitutifs de génocide dans le Donbass depuis 2014. Des accusations immédiatement contestées par Kiev, qui estimait qu’elles échappaient à la juridiction de la Cour et ne présentaient pas de lien suffisant avec sa demande initiale.
L’ordonnance du 5 décembre 2025 tranche ce point procédural. Par onze voix contre quatre, la CIJ considère que les contre-plaintes russes satisfont aux conditions de recevabilité. Elle souligne que les deux parties invoquent le même instrument juridique et s’appuient sur un socle factuel commun, à savoir le conflit armé dans l’est de l’Ukraine. En conséquence, l’Ukraine est autorisée à déposer une réplique au plus tard le 7 décembre 2026, à laquelle la Russie pourra répondre par une duplique attendue pour le 7 décembre 2027. Plusieurs opinions dissidentes et déclarations individuelles, annexées à l’ordonnance, témoignent toutefois de désaccords internes sur l’étendue du lien entre les demandes respectives.
À plus long terme, l’allongement du calendrier judiciaire fait planer une incertitude durable. Une éventuelle décision sur le fond n’interviendra pas avant plusieurs années, à un moment où les équilibres géopolitiques pourraient avoir profondément évolué.