Le rapport du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (HCSP), remis le 29 octobre à l’Assemblée nationale, devait dresser un état des lieux objectif de la santé environnementale en France. Mais selon plusieurs sources, des pressions politiques auraient conduit à édulcorer ses conclusions sur les pesticides, provoquant la colère d’une partie du conseil scientifique.
Ce devait être un document de référence sur les politiques publiques de santé environnementale. C’est devenu un symbole des tensions entre science et politique.
Le rapport du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan (HCSP), commandé par les députés et présenté mercredi 29 octobre, alerte sur la faiblesse des politiques françaises face aux pollutions — bruit, particules fines, PFAS et pesticides — responsables de milliers de maladies chroniques. Mais son élaboration a été marquée par des conflits internes et des pressions ministérielles, notamment sur le chapitre consacré aux pesticides.
Selon Le Monde, plusieurs passages clés ont été modifiés ou affaiblis à la demande de la hiérarchie du Haut-Commissariat, placé sous la responsabilité de Clément Beaune, haut-commissaire depuis mai 2025. Le rapport, de 500 pages, a été supervisé par un conseil scientifique de huit experts, dont la moitié a signé en annexe un commentaire critique dénonçant des “amendements problématiques” et un manque d’indépendance.
“Nous avons demandé des reformulations qui n’ont pas été prises en compte”, écrivent les quatre scientifiques, pointant une “minimisation des risques sanitaires liés aux pesticides”.
Des recommandations fortes, mais un texte affaibli
Le rapport appelle à réformer en profondeur les procédures d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, à renforcer l’agriculture biologique et à interdire les traitements chimiques sur les zones de captage d’eau potable. Il plaide aussi pour la création d’un délégué interministériel à la santé environnementale, rattaché à Matignon, et pour une application plus stricte du principe pollueur-payeur.
Mais derrière ces propositions ambitieuses, plusieurs passages ont été “adoucis”. Un encadré initialement intitulé “Le scandale du chlordécone” a été rebaptisé “Le cas du chlordécone”. D’autres formulations ont été corrigées pour relativiser des études scientifiques établissant des liens entre exposition aux pesticides et cancers pédiatriques.
Une étude française démontrant une corrélation entre densité de vignes et leucémie infantile a ainsi été qualifiée de “peu robuste”, contre l’avis des rédacteurs. Autre modification majeure : l’ajout d’une citation d’un communiqué controversé de l’Institut national du cancer (INCa) minimisant les bénéfices du bio sur la santé — un texte jugé “problématique” par la communauté scientifique.
Des interventions politiques assumées
Selon plusieurs courriels consultés par Le Monde, le cabinet de la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, aurait demandé en amont la suppression de certains encadrés et la réécriture de passages jugés “non opportuns”.
Ces interventions auraient aussi concerné les chiffres sur la politique agricole commune (PAC) : là où les rapporteurs estimaient que 8 % du budget, soit environ 700 millions d’euros, servaient réellement à réduire les pesticides, la version finale évoque 2 milliards d’euros, un montant jugé “sans fondement scientifique” par le conseil.
“C’est une estimation fantaisiste, contraire à la littérature scientifique”, s’indignent les chercheurs signataires du commentaire critique.
Le cabinet de Mme Genevard dément toute intervention directe : “Nous n’avons pas eu connaissance du rapport avant sa publication.” Pourtant, plusieurs messages internes prouveraient le contraire, dont un envoyé deux jours avant la remise du rapport, demandant la suppression de certaines formulations.
Source :
Le Monde – Pesticides et santé : tensions au Haut-Commissariat à la stratégie et au plan autour d’un rapport commandé par les députés (30 octobre 2025) – lemonde.fr
 
								 
															 
		 
							 
							