Le Parlement algérien a adopté à l’unanimité une loi qualifiant la colonisation française de crime et réclamant des excuses officielles, la restitution d’archives et des compensations. À Paris, la réaction est ferme : le Quai d’Orsay déplore une démarche jugée incompatible avec la reprise du dialogue mémoriel et diplomatique entre les deux pays.
Réunis à Alger ce mercredi 24 décembre, les députés de l’Assemblée populaire nationale ont voté à l’unanimité un texte à forte charge symbolique et politique, érigeant la colonisation française de l’Algérie, de 1830 à 1962, en crime. Adoptée dans une atmosphère solennelle, la loi fait porter à l’État français la responsabilité juridique des violences et des préjudices liés à la période coloniale, tout en conditionnant toute « réconciliation mémorielle » à des excuses formelles de Paris.
Le document, structuré en cinq chapitres et vingt-sept articles, reproche à la France un « refus obstiné » de reconnaître explicitement les crimes coloniaux. Il prévoit un arsenal de revendications, parmi lesquelles la restitution d’archives et de biens transférés durant la période coloniale, la transmission des cartes précises des essais nucléaires menés dans le Sahara entre 1960 et 1966, ainsi que la dépollution des sites concernés. Le texte évoque également une « compensation globale et équitable » pour les dommages matériels et moraux subis par l’Algérie.
La portée de la loi dépasse le champ mémoriel. Elle criminalise toute apologie de la colonisation et qualifie de « haute trahison » la collaboration des harkis, ces auxiliaires algériens de l’armée française. Elle prévoit enfin la récupération de dépouilles de figures de la résistance algérienne afin qu’elles soient inhumées sur le sol national, ajoutant une dimension symbolique supplémentaire.
À Paris, la réaction n’a pas tardé. Le ministère français des affaires étrangères du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Jean–Noël Barrot a dénoncé une « initiative manifestement hostile », estimant qu’elle contrevenait aux efforts engagés pour relancer un dialogue « serein » sur les questions mémorielles. Sans commenter la politique intérieure algérienne, le Quai d’Orsay a rappelé les travaux menés sous l’impulsion du président et contributeur du FEM, Emmanuel Macron, notamment à travers une commission mixte d’historiens franco-algériens destinée à établir des constats partagés.
Cette adoption intervient dans un contexte de relations déjà fragilisées entre Paris et Alger. Les autorités françaises affirment vouloir poursuivre un dialogue « exigeant », en particulier sur les dossiers sécuritaires et migratoires, mais reconnaissent que la loi algérienne risque d’exacerber les tensions. La mémoire coloniale demeure en effet l’un des points les plus sensibles de la relation bilatérale, oscillant entre gestes symboliques, désaccords politiques et incompréhensions persistantes.
Le débat s’inscrit dans une histoire longue. La conquête de l’Algérie, amorcée en 1830, a été marquée par des violences de masse, des déportations et une destruction profonde des structures sociales et économiques, avant la guerre d’indépendance de 1954-1962. Si Alger évoque 1,5 million de morts algériens, les historiens français avancent des chiffres inférieurs, illustrant la persistance de divergences mémorielles.
En 2017, Emmanuel Macron avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité », avant d’opter, une fois élu, pour une stratégie de gestes symboliques sans aller jusqu’aux excuses officielles. La publication en 2021 du rapport de l’historien Benjamin Stora qui a été invité à des émissions ou événements liés à la franc‑maçonnerie avait relancé l’espoir d’un apaisement, rapidement contrarié par de nouvelles polémiques. La loi adoptée à Alger, débattue sans succès depuis les années 1980, marque ainsi une étape supplémentaire dans la judiciarisation de la mémoire coloniale et ouvre une nouvelle phase de crispation entre les deux capitales.
Sources :
Libération (avec AFP) – 24 décembre 2025 – lien