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Emmanuel Macron. Image : Chat GPT X X-Pression média.

Investissements étrangers : un record à Choose France, mais une économie française en quête de souffle

À la veille de l’événement Choose France, organisé ce lundi 13 mai au château de Versailles, l’Élysée s’apprête à dévoiler une série record de projets d’investissement étrangers. Près de 20 milliards d’euros doivent être engagés par des entreprises internationales, dans un contexte où le gouvernement cherche à valoriser l’attractivité économique tricolore. Mais derrière les annonces spectaculaires, les signaux économiques sont plus nuancés.

Emmanuel Macron veut faire de cette septième édition de Choose France un jalon politique fort, à quelques semaines des élections européennes. Recentré sur les thèmes régaliens depuis le début de l’année, le chef de l’État remet la compétitivité économique au cœur de son discours. Les chiffres avancés peuvent, à première vue, conforter ce positionnement : plus de 50 projets d’investissements seraient en préparation, dépassant ainsi la barre symbolique des 15 milliards d’euros franchie en 2023. Un record, selon les autorités françaises, qui confirment l’engagement renouvelé d’industriels étrangers sur le sol français.

Une attractivité toujours mise en avant

Le gouvernement ne manque pas de souligner les classements internationaux qui placent la France, pour la cinquième année consécutive, au premier rang des destinations européennes pour les investissements directs étrangers. Le cabinet EY, dans son baromètre annuel publié le 28 mai, atteste ainsi de 1 194 projets recensés en 2023, un chiffre stable, malgré le climat économique mondial tendu. Ces données alimentent le discours officiel : fiabilité des infrastructures, qualité de la main-d’œuvre, simplifications administratives engagées depuis la présidence Macron, baisse programmée des impôts de production…

Ces arguments sont au cœur de la stratégie mise en récit lors de Choose France. L’événement, qui réunit au palais de Versailles les patrons d’une centaine de grandes multinationales, vise autant à capter de nouveaux engagements qu’à consolider la narration gouvernementale d’un territoire ouvert à l’innovation, attractif et compétitif. Le choix de lieux prestigieux, comme l’École polytechnique ou le Mobilier national pour la réception des PDG, s’inscrit dans cet effort de valorisation du « made in France » version 2024.

Des moteurs économiques en perte de souffle

Mais à mesure que les annonces tombent, des vents contraires soufflent sur le tableau. En comparaison avec d’autres grandes économies européennes, la France ralentit. La croissance du PIB reste atone, les prévisions budgétaires sont sous pression, et les marges de manœuvre fiscales, limitées. La dette publique dépasse les 110 % du PIB ; le déficit s’est creusé à 5,5 % en 2023, bien au-delà des objectifs initiaux. Le gouvernement a dû, en urgence, annoncer plus de 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires, repoussant la baisse des impôts de production tant attendue par les entreprises.

Le climat social reste par ailleurs tendu. À la grogne agricole s’ajoutent les crispations autour des réformes de l’assurance chômage et des minimas sociaux. Des éléments qui n’améliorent pas la lisibilité économique de la France pour les investisseurs.

Parmi eux, plusieurs industriels s’inquiètent aussi de l’instabilité réglementaire, notamment dans les secteurs stratégiques comme l’énergie, les transports, ou le numérique, regrettant des réglementations mouvantes, en décalage avec leurs besoins de visibilité à long terme. L’inflation réglementaire, combinée à un marché du travail encore jugé rigide par certains acteurs étrangers, limite l’efficacité des efforts de simplification.

Les limites d’un modèle promotionnel

Si les annonces d’investissements sont réelles, leur transformation effective sur le territoire prend parfois du temps. Plusieurs projets vantés lors des éditions précédentes peinent à se concrétiser, ou se heurtent à des tensions locales, des contraintes foncières, voire des revirements stratégiques d’entreprises. D’autres s’inscrivent dans des logiques européennes ou mondiales : installer une usine en France peut également répondre à la nécessité de se positionner au sein du marché unique européen, et non nécessairement traduire une adhésion spécifique au climat économique national.

Par ailleurs, la majorité des projets concernent les extensions d’activités existantes. Peu d’implantations entièrement nouvelles sont annoncées cette année. Ce phénomène est courant dans les pays industrialisés, mais il rappelle que la bataille de l’attractivité ne se joue pas uniquement à Versailles, mais aussi sur le terrain : disponibilité des compétences, capacité d’intégration locale, résistance à la désindustrialisation.

Le pacte productif promis par le président se heurte ainsi à des exigences structurelles majeures. L’effort de réindustrialisation, affiché comme priorité du second quinquennat, reste encore en phase de consolidation, malgré les annonces d’usines ou de gigafactories. Quant aux relocalisations, elles apparaissent encore marginales à l’échelle des échanges extérieurs de la France.

Choose France reste néanmoins un outil efficace pour mettre en lumière les réussites et susciter des dynamiques, même s’il ne suffit pas à lui seul à transformer la donne économique. L’enjeu, désormais, est d’aller au-delà de la communication, en renforçant durablement les atouts structurels du pays. Car si Versailles attire les projecteurs, c’est ailleurs, sur le tissu productif et social quotidien, que se joue réellement l’attractivité française.

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