Alors que le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas semble tenir tant bien que mal, un nouveau front s’ouvre dans l’État hébreu : celui qui oppose le Premier ministre et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Benyamin Nétanyahou, aux institutions judiciaires et sécuritaires du pays. Depuis plusieurs jours, la presse israélienne observe une montée spectaculaire des tensions entre le chef du gouvernement, la Cour suprême, le Bureau du contrôleur de l’État et la procureure générale, Gali Baharav-Miara.
Un affrontement institutionnel qui s’inscrit dans un contexte explosif : la recherche des responsabilités concernant le carnage du 7 octobre 2023 et les accusations de torture contre des détenus palestiniens au camp de Sde Teiman.
Un rapport accablant pour Nétanyahou
Présentant devant la Knesset un rapport très attendu, le contrôleur de l’État, Matanyahou Englman, a pointé du doigt ce qu’il considère comme des années de défaillances au sommet de l’État. Selon lui, l’incapacité de Nétanyahou à actualiser et financer la kontzeptzia — la doctrine de sécurité israélienne — aurait laissé l’armée et les services de renseignement “sans direction”.
Entre 1998 et 2021, six tentatives pour faire adopter une doctrine actualisée auraient été systématiquement rejetées par les gouvernements successifs, majoritairement dirigés par Nétanyahou. Résultat : le 7 octobre 2023, Israël aurait affronté le Hamas “sans stratégie offensive cohérente ni priorités défensives”.
La Cour suprême dans la tourmente
Au même moment, la Cour suprême se retrouve prise dans un bras de fer ouvert avec Nétanyahou concernant le scandale du camp de détention de Sde Teiman. Les allégations de tortures contre des prisonniers palestiniens y sont telles que la procureure générale elle-même avait appelé à une intervention judiciaire.
Mais, pour la première fois depuis des décennies, la haute juridiction semble se distancier de la procureure générale. Selon le journaliste judiciaire Gidi Weitz (Ha’Aretz), la Cour, autrefois fidèle à la ligne du procureur général, serait désormais “effrayée et domestiquée” par un gouvernement qui n’a cessé de s’en prendre à l’institution.
Pressions directes au tribunal
L’ambiance s’est encore durcie mardi 11 novembre. Des individus se faisant passer pour des membres de la “Force 100” — l’unité impliquée dans les mauvais traitements dénoncés — ont fait irruption dans la salle d’audience, applaudis par une partie du public. L’audience portait sur Yifat Tomer-Yerushalmi, l’ancienne procureure militaire soupçonnée d’avoir divulgué l’affaire à la presse.
Dans un geste symbolique très fort, une juge de la Cour suprême, Yael Willner, a même suggéré publiquement d’écarter la procureure générale Baharav-Miara du dossier. Une intervention qui illustre, selon de nombreux observateurs, l’érosion de l’indépendance judiciaire face à un pouvoir exécutif déterminé à reprendre la main.
Le danger d’un pouvoir judiciaire fragilisé
Pour Yuval Yoaz, journaliste à Zman Yisrael, ces scènes témoignent d’institutions judiciaires “fatiguées, intimidées par une opinion publique de plus en plus nationaliste”, et réticentes à trancher des dossiers explosifs.
Le commentaire de la juge Willner — “le peuple a besoin que quelque chose de positif se produise” — est interprété comme le signe d’une justice tentée de chercher le compromis plutôt que de délivrer un verdict clair.
Un bras de fer qui ne fait que commencer
Cette offensive contre les institutions judiciaires intervient alors que la contestation politique et militaire contre Nétanyahou ne cesse de grandir. Pour beaucoup en Israël, l’enjeu dépasse largement la responsabilité du 7 octobre ou la gestion des prisons : il s’agit du statut même de l’État de droit dans un pays déchiré entre impératifs de sécurité et dérives autoritaires.
Sources :
- Ha’Aretz (articles de Jonathan Lis et Gidi Weitz)
- Zman Yisrael (analyse d’Amir Ben David et de Yuval Yoaz)
- The Jerusalem Post (contexte judiciaire et politique, selon Courrier international)
- Documents du Contrôleur de l’État d’Israël (rapport de Matanyahou Englman)
- Knesset (déclarations publiques et auditions)