Les fissures qui traversent depuis plusieurs mois le tandem exécutif sénégalais se sont de nouveau révélées au grand jour. Le président Bassirou Diomaye Faye a publiquement contredit son Premier ministre, Ousmane Sonko, au sujet de la réorganisation de la coalition qui avait porté leur victoire à l’élection de 2024. Une nouvelle démonstration des tensions grandissantes entre deux figures longtemps perçues comme indissociables.
Les unes de la presse sénégalaise résument l’ambiance du moment : “Duel au sommet” pour Sud Quotidien, “fraternité politique face au spectre de la trahison” pour Yoor-Yoor. Le site burkinabè Wakat Sera s’interroge : “Du duo à vie au duel à mort ?”.
L’image du slogan “Diomaye moy Sonko” (“Diomaye, c’est Sonko”), forgé lorsque Sonko avait désigné Faye comme son remplaçant pour la présidentielle, semble désormais lointaine. L’hypothèse d’une cohabitation conflictuelle, déjà évoquée cet été après une sortie jugée virulente de Sonko contre la justice, la presse et même “le manque d’autorité” du président, redevient brûlante.
Le premier accroc : la réorganisation de la coalition
Le 11 novembre, Bassirou Diomaye Faye a annoncé le remplacement d’Aïda Mbodj à la tête de la coalition “Diomaye Président”, au profit de l’ancienne Première ministre Aminata Touré. Problème : trois jours plus tôt, devant un meeting du Pastef, Sonko avait affirmé exactement l’inverse. Non seulement Aïda Mbodj devait rester, mais Aminata Touré — pourtant conseillère du président — avait été dépeinte comme source de “zizanie”.
Cette contradiction publique entre les deux têtes de l’exécutif a immédiatement ravivé les critiques : “guerre des chefs”, “bicéphalisme tendu”, “épreuve de force symbolique”, rapporte la presse sénégalaise.
Deux visions opposées sur la dette publique
Autre terrain de désaccord, plus stratégique encore : la gestion de la dette sénégalaise, fragilisée par la révélation d’une “dette cachée” par la Cour des comptes. Face à un budget sous pression et à un programme de rupture difficile à financer, le FMI a proposé un “reprofilage” de la dette.
Une option jugée “honteuse” par Ousmane Sonko, qui a réaffirmé publiquement que “le Sénégal n’a pas besoin du FMI”. Une position qui contraste avec l’approche plus pragmatique et technocratique du président Faye. En toile de fond, les marchés s’inquiètent : les obligations sénégalaises ont de nouveau chuté cette semaine.
Deux styles de pouvoir, une même crise sociale
L’un campe un style présidentiel mesuré, technicien ; l’autre cultive un leadership mobilisateur, parfois frontal. Une dualité qui, selon la presse locale, brouille la lisibilité de l’action gouvernementale à un moment où la crise économique frappe durement les Sénégalais : chômage massif des jeunes, coût de la vie en hausse, fractures territoriales, services publics exsangues.
Pendant que le haut du pouvoir s’affronte, conclut Sud Quotidien, “le malaise social s’étend dans un silence assourdissant”.
Sources :
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Courrier international – “Bicéphalisme au Sénégal : Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, du duo au duel” – 13 novembre 2025.
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Enquête – “Tensions Sonko-Faye : au Sénégal, le bicéphalisme est-il définitivement grippé ?” – 15 juillet 2025.
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Dakar Actu – “Spectre du bicéphalisme : Le Sénégal mérite mieux. Il n’a pas besoin de deux chefs, mais d’un État fort” – 11 juillet 2025.