Dans un article publié le 29 février dernier, le journaliste Brésilien, David Agape, accusait la Cour Suprême du Brésil, dirigée par le juge Alexandre de Moraes, de miner la Constitution tout en prétendant défendre la démocratie, alors que l’ancien président Jair Bolsonaro, ainsi que plusieurs de ses alliés, était sous le coup d’une enquête pour une prétendue tentative de coup d’État après sa défaite électorale face à Luiz Inácio Lula da Silva.
Le 8 février, la police fédérale brésilienne venait de lancer une opération fondée sur des ordonnances judiciaires émises par le juge de Moraes. Cette opération a inclus 33 mandats de perquisition, 4 mandats d’arrêt préventif, et 48 mesures alternatives visant Bolsonaro et ses soutiens, avec une interdiction de sortie du pays pour l’ancien président, soulignait le journaliste. Il précisait que Moraes supervisait « au moins neuf enquêtes secrètes contre Bolsonaro et ses alliés, dont la première approche des cinq ans ce mois-ci ».
Agapé insistait sur le fait que « Malgré des indications sérieuses de manipulation électorale, telles que la gestion biaisée du processus électoral par de Moraes et la persécution de Bolsonaro et de ses partisans, les États-Unis ont lancé une campagne pour inciter les Forces armées brésiliennes à accepter les résultats électoraux ». Selon lui, cette campagne, révélée par Oliver Stuenkel dans O Estado de São Paulo, a impliqué le Département d’État, la CIA, la Maison-Blanche, le Sénat et le Pentagone. Lloyd Austin, Secrétaire à la Défense américain, a d’ailleurs visité le Brésil pour souligner l’importance du contrôle civil sur les forces militaires, rappelait le journaliste.
La censure de la Cour Suprême
Bien qu’une tentative de coup d’État soit encore à prouver, les méthodes d’investigation de de Moraes suscitent de graves préoccupations. En prétendant défendre la démocratie, de Moraes semble avoir violé la Constitution brésilienne. La plupart des enquêtes restent secrètes, laissant certains accusés dans l’ignorance des charges portées contre eux.
Une décision controversée de de Moraes a été l’ordonnance d’une perquisition au domicile de Carlos Bolsonaro, fils de l’ex-président, sous prétexte qu’il aurait cherché des informations privilégiées auprès d’Alexandre Ramagem, directeur de l’Agence brésilienne de renseignement (Abin). Les échanges sur WhatsApp montrent que cette discussion a eu lieu plusieurs mois après la fin du mandat de Ramagem à l’Abin. Malgré l’illégalité de cette opération, les ordinateurs et smartphones de Carlos ont été saisis.
Aguapé évoque également d’autres cas préoccupants incluant l’arrestation d’un sans-abri avec des manifestants et le décès d’un homme, arrêté le 8 janvier et décédé après que de Moraes lui ait refusé des soins médicaux adéquats. De Moraes a également interdit aux avocats des accusés de communiquer entre eux, une décision confirmée par le nouveau procureur général de la République, Paulo Gonet, nommé par le président Lula da Silva.
Erreurs et préoccupations juridiques
L’opération contre Bolsonaro est critiquée par le journaliste pour son ampleur excessive et son manque de clarté. De Moraes a émis un document de 135 pages couvrant non seulement la tentative de coup d’État, mais aussi d’autres accusations vagues telles que les attaques en ligne contre des opposants et la fraude sur les cartes de vaccination.
De plus, pour Aguapé, de Moraes semble en conflit d’intérêts, étant à la fois juge et victime supposée dans ces enquêtes. Il citait, l’avocat Paulo Faria, pour qui la Constitution brésilienne interdit à de Moraes de juger les affaires concernant Bolsonaro en raison de ce conflit d’intérêt, ce qui contrevenait également aux principes de la Convention interaméricaine des droits de l’homme.
Le processus juridique était également critiqué pour son manque de base légale solide, de nombreux experts juridiques cités par le journaliste considérant que les actes préparatoires de Bolsonaro n’atteignaient pas le seuil de tentative de coup d’État.
Pour Aguapé, la situation au Brésil était « critique, avec une censure et une persécution judiciaire sans précédent », tandis que des sénateurs et des militants critiquaient la gestion des affaires judiciaires par le STF, soulignant les demandes d’impeachment contre les juges. Selon lui, ces opérations judiciaires soulèvaient des questions sur l’équité et l’intégrité du système judiciaire brésilien, alors que Bolsonaro continuait de mobiliser le soutien populaire avec des manifestations et des rassemblements.