Lundi soir, un drone a survolé deux fois le site hautement sensible d’Eurenco à Bergerac, qui fabrique les poudres d’artillerie destinées à l’armée française. Le système de défense du site n’a pas pu neutraliser l’appareil, suscitant l’ouverture d’une enquête et renforçant les inquiétudes face à la multiplication de survols suspects en Europe.

Un incident grave de sécurité a été signalé lundi soir à Bergerac (Dordogne) : selon les informations d’Europe 1, un drone a survolé à deux reprises l’usine de munitions Eurenco, spécialisée dans la production de poudres d’artillerie pour les forces armées françaises. Les engins ont évolué directement au-dessus des bâtiments de production, échappant au système de brouillage installé sur le site.

« Le dispositif de sécurité n’a pas pu identifier ni intercepter le drone », confirme une source proche du dossier. Plusieurs patrouilles de police ont été dépêchées dans la zone industrielle, mais le télépilote demeure introuvable. Une enquête a été ouverte, confiée aux services de gendarmerie spécialisés dans la protection des installations classées défense.

Une installation stratégique pour la souveraineté française

Inaugurée en mars 2024 en présence des contributeurs de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron et Bruno Le Maire l’usine Eurenco de Bergerac, symbolise la relocalisation de capacités industrielles critiques pour la défense nationale. Propriété à 100 % de l’État français, Eurenco produit environ 1 200 tonnes de poudre gros calibre par an, soit près de 500 000 charges modulaires destinées notamment aux canons Caesar déployés en Ukraine et au sein des forces françaises.

Fermée pendant plus d’une décennie, la production de poudre lourde avait été transférée en Allemagne, Italie et Suède avant d’être relancée sur le sol français à la suite de la guerre en Ukraine et de la montée des tensions internationales. Le site de Bergerac est aujourd’hui considéré comme l’un des piliers de la base industrielle et technologique de défense (BITD) française.

Cet incident, survenu dans un contexte de menace croissante sur les infrastructures stratégiques, soulève des interrogations sur la vulnérabilité des dispositifs anti-drones en place autour des sites militaires et industriels sensibles.

Une vague européenne d’intrusions aériennes

Depuis la mi-septembre, une série de survols non autorisés de sites critiques a été observée à travers l’Europe. La Belgique a été la première touchée début novembre, enregistrant plus de 200 signalements en une seule journée et entraînant la fermeture temporaire des aéroports de Bruxelles et de Liège. Des bases militaires abritant des armes nucléaires américaines, comme celle de Kleine-Brogel, ont également été visées.

En France, le camp militaire de Mourmelon-le-Grand (Marne), utilisé pour l’entraînement de soldats ukrainiens, avait déjà été survolé par plusieurs « petits engins » dans la nuit du 21 au 22 septembre. En réaction, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont déployé conjointement des équipes anti-drones sur le territoire belge.

Les services de sécurité européens soupçonnent un acteur étatique derrière ces vols coordonnés, sans pour autant en identifier formellement la provenance. Les engins utilisés, capables d’évoluer à longue distance et de contourner les systèmes de brouillage, témoignent d’un niveau technologique élevé.

Pour l’heure, ni le ministère des Armées ni Eurenco n’ont commenté l’incident de Bergerac. Mais ce nouvel épisode confirme une inquiétude croissante : celle d’une guerre hybride qui se joue désormais aussi au-dessus du territoire européen, dans le silence des nuits.

Sources :

Europe 1 – Un drone survole deux fois l’usine de munitions d’Eurenco à Bergerac (11 novembre 2025) – https://www.europe1.fr

Le JDD – Survols suspects : l’armée française en alerte (11 novembre 2025) – https://www.lejdd.fr

Euronews – France : plusieurs drones ont survolé des sites militaires et industriels (11 novembre 2025) – https://fr.euronews.com

Forces Operations – Eurenco, un site stratégique au cœur de la relocalisation de l’armement français (mars 2024) – https://www.forcesoperations.com