Petite île britannique méconnue des Caraïbes, Anguilla profite d’un hasard providentiel : son extension internet « .ai », devenue incontournable pour les géants de la tech à l’ère de l’intelligence artificielle. Un business numérique qui rapporte des millions et soutient son développement local.

À première vue, Anguilla n’est qu’un confetti de 16 000 habitants perdu dans les Caraïbes, à l’est de Porto Rico et de la République dominicaine. Mais depuis l’explosion mondiale de l’intelligence artificielle, l’île britannique s’est retrouvée au cœur d’un business inattendu : son extension internet nationale « .ai », attribuée dès 1988 par l’Internet Assigned Numbers Authority, est aujourd’hui prisée par des milliers d’entreprises technologiques.

Dans un monde où l’intelligence artificielle est devenue synonyme d’innovation et de puissance économique, ces deux lettres suffisent à donner une identité numérique immédiatement identifiable. Google, Meta, Nvidia, mais aussi des start-up en quête de crédibilité, se sont empressés d’acquérir des noms de domaine en « .ai ». Elon Musk lui-même a réservé x.ai pour relier directement à Grok, son projet d’intelligence artificielle générative concurrente d’OpenAI.

L’effet est spectaculaire. Près de 300 000 entreprises ont choisi cette extension en 2023, selon Vince Cate, ingénieur américain installé à Anguilla qui a longtemps supervisé sa gestion. Les retombées économiques pour l’île sont considérables : 32 millions de dollars de revenus annuels, soit environ 10 % de son produit intérieur brut.

Cet afflux d’argent a permis au gouvernement local de financer des programmes sociaux et d’infrastructures. Soins gratuits pour les habitants de plus de 70 ans, construction d’une école et d’un centre de formation professionnelle : autant de réalisations rendues possibles par ce pactole numérique. Après avoir été frappée par un ouragan dévastateur en 2017 et privée de touristes durant la pandémie de Covid-19, Anguilla a trouvé dans le numérique un relais providentiel de croissance.

L’île n’est pas un cas isolé. Tuvalu, micro-État du Pacifique, exploite depuis des années le « .tv », extension naturellement convoitée par les chaînes de télévision et plateformes de streaming. D’abord concédé à l’américain Verisign pour quelques millions par an, le « .tv » a été confié en 2022 à GoDaddy contre un chèque de 10 millions de dollars annuels.

Mais Anguilla reste l’exemple le plus parlant du lien entre un hasard géographique – un nom évoquant l’anguille, devenu code « .ai » – et une révolution technologique mondiale. L’île qui vivait autrefois du tourisme et de la pêche voit désormais sa prospérité liée aux promesses de l’intelligence artificielle.

Sources :
Le Point – « Anguilla, l’île des Caraïbes qui a fait fortune grâce à son nom (et à l’IA) » – 25 mars 2024 – lien
Bloomberg – « The Caribbean island cashing in on AI domain names » – 2023 – lien
New York Times – entretien avec Ellis Webster – 2023