Alors que Paris célébrait la première victoire du PSG en Ligue des champions, Alain Bauer, criminologue et professeur au CNAM a livré aujourd’hui sur BFMTV, son analyse sur les violences urbaines en marge de l’événement.
Le PSG sur le toit de l’Europe, mais une fête gâchée. Au lendemain de la victoire historique du Paris Saint-Germain contre l’Inter Milan (5-0), la capitale s’est réveillée marquée par des violences, deux morts, des blessés et plus de 390 gardes à vue. Invité de BFM Politique ce dimanche, Alain Bauer a salué la gestion policière tout en dénonçant un phénomène de violences urbaines de plus en plus incontrôlable en France.
Une mobilisation policière saluée, mais une violence qui perdure
Selon Alain Bauer, les incidents auraient pu être bien plus graves : « C’est mieux que prévu, moins catastrophique qu’annoncé », a-t-il souligné, attribuant cela à une mobilisation « exceptionnelle » menée par le préfet de police Laurent Nunez. Pour autant, le criminologue refuse toute complaisance : « Il ne faut surtout pas minimiser. Il y avait plusieurs milliers de personnes venues casser à Paris. Ce ne sont pas des supporters, ce sont des pillards, des casseurs. »
« Le football, pris en otage par les voyous »
Alain Bauer a rappelé qu’il avait été conseiller de la Ligue de football pour les questions de sécurité, à une époque ou le PSG était dirigé par Robin Leproux et où la violence dans les stades était très élevée, notamment en lien avec les ultras et les hooligans. L’ancien président du PSG, avait su, éradiquer la violence du Parc des Princes par une politique de compartimentage stricte, a-t-il relevé.
Pour Bauer, qui a également été rapporteur général de la commission de discipline du rugby à XIII dans les années 1990, à une époque où ce sport était également confronté à des actes de violence sur le terrain, les débordements ne sont plus spécifiques au football, mais illustrent une dérive plus large.
Il distingue trois types de profils : les supporters, les ultras, et ceux qu’il appelle les « voyous » – ces derniers ne s’intéressent ni au sport, ni à la fête, mais uniquement à la violence.
Un phénomène européen et un affaiblissement de l’État
Interrogé sur la spécificité française de ces violences, Bauer a souligné une aggravation sur tout le continent. « Ce n’est pas une consolation de constater que cela touche aussi l’Angleterre ou d’autres pays, mais cela montre qu’il faut repenser la sécurité dans les événements sportifs à l’échelle européenne. » Il déplore une culture française de l’oubli : « Une fois un problème réglé, on baisse la garde, on désarme. »
La parade du PSG : un pari sur la sécurité
Alors que la parade des joueurs du PSG était maintenue sur les Champs-Élysées, Bauer appelait à la vigilance : « Toute mise en place d’un dispositif de sécurité est un pari. Mais je crois que le préfet de police est en mesure de tenir cette deuxième mi-temps. » Il a défendu l’idée de maintenir la parade comme « démonstration que l’État reste maître chez lui »
Réseaux sociaux : catalyseurs de violence incontrôlés ?
Pour Alain Bauer, les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la dérégulation des comportements violents, en particulier chez les jeunes. Il parle d’une « sous-traitance du surmoi » aux plateformes numériques : là où les limites comportementales étaient autrefois transmises par la famille, l’école ou les pairs, elles sont désormais dictées — ou rendues floues — par des algorithmes sans filtre moral.
Le criminologue alerte aussi sur un phénomène inquiétant : le rajeunissement des auteurs de violences graves, parfois impliqués dans des affaires d’homicides, de tortures ou d’enlèvements. Il cite une enquête d’Europol révélant l’émergence de tueurs à gages âgés de 13 à 18 ans, notamment en Suède, un pays pourtant réputé pour sa tranquillité.
Selon lui, cette montée en intensité et en fréquence de la violence physique depuis les années 2010 s’explique en partie par l’absence de régulation efficace des réseaux sociaux, combinée à une désintégration des repères traditionnels. Il souligne que les homicides ont explosé en France depuis 2011–2012, passant de moins de 700 à plus de 1 000 par an en 2024, un niveau inédit depuis un demi-siècle.
Bauer estime que l’encadrement des réseaux sociaux arrive tard, mais il se félicite tout de même que l’Union européenne mette en place à partir de juillet 2025 une régulation de l’âge d’accès pour les mineurs.
Des pistes : mieux identifier, mieux responsabiliser
Bauer reste néanmoins sceptique sur l’efficacité des mesures trop générales comme la reconnaissance faciale, qu’il qualifie de « fumée », tant qu’aucune base solide et cohérente n’a été constituée.
Il appelle à responsabiliser les clubs et à identifier les fauteurs de troubles « dans leur propre intérêt ». Il plaide pour une convention tripartite entre le ministère de l’Intérieur, celui de la Justice et le ministère des Sports pour encadrer les déplacements de supporters.
Une critique de la gestion politique
Enfin, Alain Bauer égratigne la lenteur de la réponse institutionnelle : « On commence à réagir 20 ans après les premières alertes. Le système politique français est atteint d’un mal chronique : déni, minoration, fatalisme. » Il insiste sur l’urgence de dépasser le stade des discours et d’appliquer enfin les solutions connues : « La gestion de la sécurité ne peut pas se faire avec du prêt-à-porter, c’est du sur-mesure.