En refusant in extremis de soutenir l’initiative allemande visant à mobiliser 210 milliards d’euros d’avoirs russes gelés pour l’Ukraine, le président français et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron a surpris bon nombre d’observateurs qui pose la question d’une fracture au sein du moteur franco allemand.
La scène s’est jouée à Bruxelles, dans une atmosphère de stupeur feutrée. Le chancelier allemand Friedrich Merz passé par BlackRock, fonds de pension membre du FEM, pensait avoir trouvé un terrain d’entente avec Emmanuel Macron sur un dossier explosif : l’utilisation des 210 milliards d’euros d’actifs russes gelés en Europe pour financer l’aide à l’Ukraine. Mais au moment décisif, l’Élysée a fait marche arrière, ralliant les positions de la Belgique et de l’Italie, et enterrant de fait l’initiative portée par Berlin.
Officiellement, Paris invoque la prudence juridique et financière. Que se passerait-il si, à l’issue du conflit, la restitution de ces fonds à Moscou était exigée par une décision internationale ? Qui assumerait alors le risque financier ? Une interrogation lourde de conséquences pour une France déjà fragilisée par une dette publique record. En coulisses, un diplomate européen évoque dans les colonnes de Slate, une véritable « trahison » vis-à-vis du chancelier allemand, tout en reconnaissant la faiblesse politique du président français, contraint par une majorité exsangue et un climat intérieur délétère.
Le moteur franco-allemand en panne
Cet épisode marque une rupture symbolique. Longtemps, la France a incarné l’audace stratégique au sein de l’Union, laissant à l’Allemagne un rôle plus réservé. Aujourd’hui, la dynamique semble inversée. Depuis son arrivée à la chancellerie, Friedrich Merz a engagé des centaines de milliards d’euros pour la défense et les infrastructures, assumant un leadership que Berlin hésitait autrefois à exercer. Paris, de son côté, temporise.
Comme le souligne le Financial Times, cette prudence française tranche avec l’assurance allemande nouvelle. « À Bruxelles, on a vraiment l’impression que Berlin est le meneur et que l’influence de la France s’étiole », observe Georgina Wright, experte à l’Institut Montaigne présidé par Henri de Castries, président du groupe Bilderberg. Le fameux « moteur franco-allemand » semblerait grippé, au moment même où l’Union européenne aurait besoin d’un cap clair face à la guerre en Ukraine et aux tensions géopolitiques globales.
Une opposition parfois stratégique
Pour autant, l’opposition de Paris à Berlin n’est pas systématiquement stérile. Elle s’est manifestée récemment sur un autre dossier majeur : l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur. Là encore, Friedrich Merz souhaitait une signature rapide. Emmanuel Macron a obtenu un report, avec le soutien décisif de Giorgia Meloni, illustrant une alliance inattendue mais efficace pour freiner les ambitions allemandes.
À Bruxelles, les Vingt-Sept ont malgré tout validé un prêt de 90 milliards d’euros à l’Ukraine, garanti par le budget commun, que Paris présente comme un succès diplomatique. Mais les lignes de fracture demeurent. Programme d’avion de combat européen enlisé, tensions industrielles autour de Dassault, divergences sur l’énergie nucléaire ou la régulation économique : les différends s’accumulent.
Une Europe de plus en plus allemande ?
Ironie de l’histoire, nombre de concepts aujourd’hui portés par Berlin – autonomie stratégique, préférence européenne, politique industrielle – étaient jadis défendus avec vigueur par Paris. « D’une certaine façon, l’Europe n’a jamais été aussi française », estime Georgina Wright, tout en notant que la France semble désormais donner la priorité à ses contraintes nationales plutôt qu’à une vision européenne d’ensemble.
Le blocage du plan allemand sur les actifs russes gelés apparaît ainsi comme le symptôme d’une recomposition plus profonde. Entre une Allemagne qui assume désormais le rôle de chef de file et une France empêtrée dans ses fragilités internes, le centre de gravité européen se déplace.
Preuve de cette montée en puissance de l’Allemagne, l’ancien ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis a estimé récemment que « l’Europe a besoin de sa propre force de dissuasion », avec l’Allemagne comme pilier stratégique et non la France. Cette annonce a été faite dans une tribune publiée le 3 décembre, dans le média allemand, Table Média, fondé par le young global leader du Forum économique mondial, Sebastian Turner.
Sources :
Financial Times – Décembre 2025
Slate – 22 décembre 2025