Utilisés en urgence pour contenir la dermatose nodulaire contagieuse bovine, les vaccins vivants atténués à base de souche Neethling suscitent débats et interrogations dans le monde de l’élevage d’autant plus que des cas de DNC sont apparus dans des troupeaux vaccinés. L’autorisation du vaccin Bovilis-Lumpyv de Merck, groupe membre du Forum économique mondial, le Bovilis-Lumpyvax qui ne bénéficie pas d’une AMM (Autorisation de mise sur le marché), mais d’une ATU (autorisation temporaire d’utilisation) ne s’appuie pas sur des données extrêmement solide.
Les vaccins employés en Europe contre la dermatose nodulaire contagieuse reposent sur des virus vivants atténués dérivés de la souche Neethling, isolée dans les années 1950. Cette souche, atténuée par de multiples passages sur cellules animales et membranes chorioallantoïdiennes d’œufs embryonnés, constitue le principe actif commun aux vaccins OBP sud-africain et Bovilis-Lumpyvax-E de Merck. Leur proximité génétique est très élevée, avec une homologie de 99,9 % avec la souche de référence Neethling vaccine LW 1959.
Dès 2017, ANSES soulignait que « le vaccin ne confère pas nécessairement une immunité complète chez tous les animaux », une observation confirmée par les essais expérimentaux ultérieurs. Les études menées en laboratoire montrent en effet que la protection n’est pas strictement homogène au sein d’un troupeau, même si elle réduit fortement la sévérité clinique et empêche l’apparition des formes nodulaires graves chez la majorité des animaux vaccinés.
La survenue occasionnelle de nodules post-vaccinaux est également décrite dans la littérature scientifique. L’ANSES précise que ces nodules peuvent contenir des virus vaccinaux Neethling, atténués et considérés comme non pathogènes. Ces manifestations restent rares et sans commune mesure avec les lésions observées lors d’une infection naturelle, mais elles alimentent une partie des inquiétudes exprimées par certains éleveurs.
La question du « shedding », c’est-à-dire de l’excrétion du virus vaccinal, est également documentée. Des traces de virus vaccinal peuvent être détectées transitoirement dans le sang, le lait ou la peau, ainsi qu’autour du point d’injection. Les études disponibles indiquent toutefois que ces quantités sont très faibles et que la transmission secondaire du virus vaccinal n’a pas été associée à des formes cliniques graves. Les autorités sanitaires européennes considèrent en conséquence que le risque pour la chaîne alimentaire reste négligeable, même si la présence transitoire du virus vaccinal ne peut être totalement exclue sur le plan analytique.
Les données issues des pays ayant mené des campagnes de vaccination de grande ampleur, notamment Israël, montrent que la vaccination n’éradique pas systématiquement la dermatose nodulaire contagieuse. L’Autorité européenne de sécurité des aliments souligne cependant que la vaccination permet de contrôler la diffusion de la maladie et d’en réduire fortement l’impact économique et sanitaire, en complément des mesures de restriction des mouvements et de surveillance.
Le vaccin Bovilis-Lumpyvax-E bénéficie en France d’une autorisation temporaire d’utilisation délivrée par l’ANSES, assortie de réserves explicites sur le niveau de preuve, liées au contexte d’urgence sanitaire.
Cette procédure exceptionnelle ne s’appuie en effet pas sur des données extrêmement solides. La seule étude réalisée avant 2017 portait sur 20 animaux vaccinés dont 1 seul par le Bovilis Lumpyvax Merck et challengés expérimentalement par le virus. Elle concluait que le vaccin est « aussi efficace qu’un autre vaccin », ce qui reste assez lacunaire.
Une étude menée en Belgique par le professeur Andy Haegeman a montré que des animaux sans anticorps détectables restaient protégés grâce à une forte réponse interféron. Néanmoins, les fabricants, dont Merck, recommandent un rappel annuel afin de maintenir un niveau de protection optimal, une pratique courante pour de nombreux vaccins vétérinaires vivants.
Des réactions locales au point d’injection, incluant des zones de nécrose, ont été observées de manière ponctuelle. Leur fréquence reste faible au regard du nombre d’animaux vaccinés et elles sont surveillées dans le cadre de la pharmacovigilance vétérinaire. Les autorités sanitaires rappellent que ces effets indésirables doivent être mis en balance avec les conséquences économiques d’une épizootie non contrôlée.
La découverte d’un nouveau cas de DNC dans les Pyrénées Orientales dans un troupeau où 100% des vaches étaient vaccinées va relancer l’efficacité sur la transmission du vaccin Bovilis-Lumpyv de Merck. La tentation d’abandonner l’utilisation de vaccins à virus atténué au profit de vaccin à ARN M qui ont également été validés en fast-track durant la pandémie de Covid-19 chez l’homme n’apporteraient de toute façon pas de garanties supplémentaires. Pour rappel, ils avaient été mis sur le marché sans même que l’on connaisse leur efficacité sur la transmission comme l’a par la suite révélé Janine Small, cadre de Pfizer, groupe membre du Forum économique mondial, devant le parlement européen.
Sources :
ANSES – Avis et notes scientifiques sur la dermatose nodulaire contagieuse et les vaccins vivants, 2017–2025 – https://www.anses.fr
EFSA – Lumpy skin disease epidemiology and control measures, 2015–2022 – https://www.efsa.europa.eu
Haegeman et al. – Experimental evaluation of Lumpyvax efficacy, laboratoire européen de référence, 2021–2023
France Info – Campagne de vaccination bovine en France, 2025 – https://www.francetvinfo.fr