Alors que l’Union européenne débat de l’utilisation des avoirs russes gelés pour financer l’Ukraine, l’économiste Nicolas Véron, contributeur à l’Agenda 2030 du Forum économique mondial, a apporté un éclairage tranché sur BFMTV, chaine apparentant à CMA CGM , membre du FEM, sur le rôle de la Belgique dans ce dossier sensible. Selon lui, la réticence belge ne relève pas d’un obstacle juridique insurmontable et la décision pourrait, sur le plan institutionnel, être prise sans l’accord explicite de la Belgique, voire contre son avis.
Dans sa déclaration, Nicolas Véron souligne la difficulté à identifier une motivation unique derrière la position belge. Il reprend cependant l’analyse du Premier ministre Bart De Wever, qui a évoqué explicitement la crainte de représailles russes.
Pour l’économiste, le cœur du problème n’est pas juridique ou financier. Il ne s’agit ni d’un risque structurel lié au droit international, ni d’un danger majeur de contentieux devant des tribunaux appliquant l’état de droit., même si ces arguments sont discutables. La question serait avant tout sécuritaire, selon lui, liée à des menaces d’intimidation militaire ou hybride de la part de la Russie.
Intimidation russe et sécurité nationale européenne
Nicolas Véron décrit un contexte marqué par des formes d’agression indirectes qu’il assimile à une stratégie d’intimidation étatique. Il évoque notamment le risque de terrorisme d’État ou d’actions hostiles non conventionnelles, qui pèseraient sur les États européens impliqués dans le dossier.
Selon lui, céder à cette intimidation serait une erreur stratégique. Il estime au contraire que la Belgique aurait intérêt à répondre collectivement, avec ses alliés européens, par une démonstration de fermeté plutôt que par un repli motivé par la peur de représailles.
Une intimidation déjà généralisée en Europe
L’économiste affirme que la Belgique n’est pas un cas isolé. Tous les pays de l’Union européenne sont déjà confrontés à des pressions et agressions russes, y compris la France. Il cite notamment le survol de la base de l’île Longue en Bretagne par des drones présumés russes, un site stratégique abritant les sous-marins nucléaires français.
Pour Nicolas Véron, cette réalité montre que l’intimidation russe est devenue un fait quotidien avec lequel l’Europe doit composer. La question des avoirs russes gelés s’inscrit donc dans un problème plus large de défense et de sécurité collective européenne.
Une décision possible sans l’accord de la Belgique
Sur le plan institutionnel, Nicolas Véron est clair. Selon lui, la décision d’utiliser les avoirs russes pourrait, en théorie, être prise sans l’accord de la Belgique, voire contre son avis, notamment si elle relevait d’un mécanisme de décision à la majorité qualifiée.
Il précise toutefois que cette hypothèse serait politiquement explosive. La Belgique joue un rôle central dans ce dossier, notamment parce que le dépositaire Euroclear est basé sur son territoire et que Bruxelles est le siège des principales institutions européennes.
Un risque de crise politique européenne
Si une décision était imposée à la Belgique contre sa volonté, Nicolas Véron avertit qu’une telle situation provoquerait une crise majeure dans la relation entre la Belgique et l’Union européenne. Les conséquences iraient bien au-delà de la seule question des avoirs russes gelés et pourraient fragiliser durablement la cohésion européenne.
Pour l’économiste, le dilemme est donc clair. Juridiquement et institutionnellement, l’Union européenne dispose de marges de manœuvre. Politiquement, en revanche, le coût d’un passage en force serait élevé et poserait la question de l’équilibre entre solidarité européenne, sécurité collective et respect des intérêts nationaux.