Le philosophe André Comte-Sponville alerte sur un danger majeur de notre époque : celui de la désinformation à grande échelle. Dans un éditorial publié le 27 novembre 2025, intitulé « La puissance du faux », il analyse le bouleversement de notre rapport à la vérité à l’heure de l’intelligence artificielle, des réseaux sociaux et de la production illimitée d’images truquées.
Selon lui, jamais l’humanité n’a eu autant accès à l’information, mais jamais le mensonge ne s’est propagé aussi vite. L’IA, en facilitant la création de faux contenus – images, vidéos, discours générés artificiellement – transforme notre perception du réel. Ce que nous voyons ne prouve plus rien. Le philosophe cite Molière et Spinoza pour illustrer cette perte de repères, tout en réaffirmant que la vérité, bien qu’affaiblie, reste plus que jamais nécessaire.
L’édito évoque aussi la responsabilité des États face à la désinformation stratégique, notamment celle manipulée par des puissances étrangères. Il cite l’exemple salvateur, selon lui, de l’interdiction de Russia Today pendant l’invasion de l’Ukraine, mais souligne les limites de la censure à l’ère des plateformes numériques. C’est pourquoi il mise sur la force du vrai : dans un débat libre, les meilleurs arguments finissent toujours par triompher. Il n’est pas utile, dit-il, d’interdire les platistes : leur absurdité les condamne d’elle-même. Mais que faire face à des géants comme Poutine, Trump, Xi Jinping ou les algorithmes des réseaux sociaux interroge-t-il ?
« Donnons-nous les moyens de contrôle, et éventuellement de sanction, dont nous sommes capables, sur notre territoire », tranche-t-il. Ainsi, André Comte-Sponville qui a prononcé en 2013 un discours dans le cadre du forum annuel de la société CBRE, membre du Forum économique mondial fait entrer la question de la désinformation dans un contexte intellectuel. Ce message, largement relayé dans les médias, semble a priori largement partagé, sauf par les défenseurs de la liberté d’expression. Mais pour comprendre pleinement cette prise de position, il est essentiel d’interroger le positionnement et les réseaux du penseur lui-même. Le nom Comte-Sponville est en effet bien connu dans certains milieux maçonniques français.
En mai 2023, il a donné une conférence à la Grande Loge de France, à Paris, sur le thème du bonheur. L’événement était public et organisé dans le cadre des rencontres culturelles de la GLDF. Son nom est également cité dans la revue de cette obédience, dans laquelle il a contribué à une réflexion sur le sacré. Ces interventions régulières, bien que publiques, n’ont jamais fait l’objet d’une déclaration officielle d’appartenance. Aucun document ne confirme son initiation dans une loge maçonnique. Pourtant, son profil de philosophe laïc, rationaliste et ouvert à une spiritualité sans transcendance, initié à l’athéisme par son professeur Pierre Hervé, correspond parfaitement à ce que certaines obédiences recherchent dans leurs cercles de réflexion.
La franc-maçonnerie, depuis ses origines, travaille sur la vérité, le mensonge et la transmission des savoirs. Son discours sur le vrai comme antidote à la manipulation numérique pourrait ainsi être lu comme un prolongement philosophique des discours maçonniques se voulant un rempart à l’obscurantisme.
Source : Challenges