Le Trésor américain a mis son veto à la reprise des actifs étrangers de Lukoil par la société suisse Gunvor, soupçonnée de liens persistants avec Moscou. Cette décision, aux lourdes implications économiques en Europe de l’Est, révèle l’influence encore contestée des oligarques russes dans le secteur énergétique mondial.
Le projet de rachat des actifs internationaux du géant pétrolier russe Lukoil, par la société Gunvor, basée à Genève, semblait en bonne voie. Mais le Trésor américain en a décidé autrement. Dans un message publié le 6 novembre sur X, l’administration de Washington a tranché sans détour : « Tant que Vladimir Poutine poursuivra ces tueries insensées, la marionnette du Kremlin, Gunvor, n’obtiendra jamais de licence pour opérer et engranger des profits. »
Ce blocage intervient alors que Lukoil, sous le coup de sanctions américaines depuis le 21 octobre, cherchait à céder ses actifs étrangers afin de contourner l’asphyxie économique imposée à la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine. Gunvor, groupe membre du Forum économique mondial, fondée par le milliardaire suédois Torbjörn Törnqvist, avait fait une offre de reprise qui avait reçu un accord de principe du groupe russe.
Mais la virulence du message américain a mis fin aux négociations. « Ces affirmations sont fondamentalement fausses », a répliqué Seth Pietras, porte-parole de Gunvor, assurant que l’entreprise n’entretient plus aucun lien commercial avec la Russie depuis 2014, date du départ de son cofondateur Guennadi Timtchenko, oligarque proche du Kremlin. Néanmoins, l’entreprise a annoncé « retirer sa proposition » de rachat, préférant éviter toute confrontation directe avec Washington.
La décision du Trésor américain a des conséquences immédiates en Bulgarie, où Lukoil détient la seule raffinerie du pays et plus de 500 stations-service, formant un quasi-monopole sur le marché des carburants. Faute de repreneur, ces infrastructures risquent de cesser toute activité dès le 21 novembre, ce qui pourrait provoquer des perturbations d’approvisionnement à l’échelle nationale.
À Moscou, la presse d’État a réagi sobrement. Le journal Vzgliad, proche du pouvoir, s’est contenté de rapporter les propos américains en les assortissant de conditionnels : Gunvor « serait contrôlée par la Russie ». Pourtant, plusieurs médias indépendants russes, dont Meduza et Novaïa Gazeta Europe, affirment que les liens entre Törnqvist et son ancien associé Timtchenko n’ont jamais été rompus.
Selon ces sources, le milliardaire suédois partage avec l’oligarque une passion pour le tennis et possède, avec son épouse russe Natalia Törnqvist, une somptueuse villa dans la Roubliovka, la banlieue la plus huppée de Moscou, où vivent de hauts responsables militaires et économiques russes. Natalia Törnqvist, personnalité influente en Russie, dirige le fonds écologique Vozrojdenie Prirody, soutenu par les autorités et engagé dans des projets environnementaux à dimension patriotique.
Ces révélations viennent fragiliser la posture de neutralité affichée par Gunvor, déjà marquée par un passé controversé. Longtemps accusée d’avoir servi d’intermédiaire pour l’exportation du pétrole russe sous contrôle d’oligarques proches du Kremlin, l’entreprise tente depuis une décennie de se repositionner comme acteur indépendant du négoce international.
Toutefois, Washington n’évoque pas les liens de Lukoil avec l’occident. Son ancien président-directeur général et actuel actionnaire, Vagit Yu. Alekperov, est en effet un contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial. De plus le groupe compte parmi ses actionnaires BlackRock, East Capital, Aegon et UBS, autant de membres du FEM.
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