Invité de BFM Politique ce dimanche 2 novembre 2025, Éric Zemmour a créé la surprise en acceptant l’idée d’une primaire de la droite « de Darmanin à Knafo ». À 500 jours de la présidentielle 2027, le président de Reconquête a également livré une charge virulente contre le ministre de l’Intérieur sur la question algérienne et dénoncé une « orgie d’impôts » dans le débat budgétaire.
C’est LA déclaration qui a marqué l’émission. Interrogé sur la proposition de Laurent Wauquiez d’organiser une primaire rassemblant toute la droite « de l’UDI à Sarah Knafo », Éric Zemmour a créé la surprise en répondant sans détour : « Une primaire de Darmanin à Knafo ? Très bien. Alors, organisons-la. Organisons-la. Oui, pourquoi pas. »
Ce revirement stratégique marque une évolution majeure dans le positionnement du président de Reconquête. « J’ai évolué en fonction de l’évolution des choses », a-t-il justifié, estimant que dans le « paysage complètement éclaté » actuel de la politique française, une primaire prend désormais du sens. Il a toutefois rappelé un précédent douloureux : en 2021, lors de la primaire LR, « les caciques à plumes de LR avaient trouvé des artifices juridiques » pour refuser sa candidature.
Une telle primaire dessinerait un périmètre politique sans précédent, incluant l’aile droite du macronisme incarnée par Gérald Darmanin, les Républicains dans leurs différentes sensibilités, l’UDI et le centre-droit, jusqu’à Reconquête avec Éric Zemmour et Sarah Knafo. Un spectre qui pourrait redessiner complètement le paysage de la droite française avant l’échéance présidentielle de 2027.
Sarah Knafo, la nouvelle star montante de la droite nationale
Le sondage Elabe pour BFM TV publié ce dimanche révèle que Sarah Knafo obtiendrait 6,5% des intentions de vote si elle était candidate de Reconquête à la présidentielle 2027. « Je suis ébahi par ça », a confié Éric Zemmour, soulignant le caractère « extraordinaire » de cette performance pour une personnalité largement inconnue du grand public avant la dernière présidentielle.
Le président de Reconquête n’a pas exclu qu’elle soit candidate aux municipales à Paris, estimant que « ce serait une excellente candidature, la meilleure ». Mais interrogé sur une éventuelle primaire interne entre lui et Sarah Knafo au sein de Reconquête, Zemmour a esquivé : « Ce n’est pas le sujet. Je ne répondrai pas ici. »
Malgré l’émergence de sa protégée et son ouverture à une primaire élargie, Éric Zemmour maintient fermement ses ambitions présidentielles. « A priori je serai candidat » en 2027, a-t-il affirmé, estimant que son discours et ses idées ne sont « portés par personne » d’autre sur l’échiquier politique.
Algérie : Zemmour fustige violemment la ligne du ministre de l’Intérieur
Éric Zemmour n’a pas épargné Laurent Nunez, le nouveau ministre de l’Intérieur, qui prône une « coopération apaisée » avec l’Algérie. Le président de Reconquête a qualifié cette position de « lunaire » et a ironisé : « C’est un peu du Castaner sans l’accent. On est revenu à un militant socialiste qui raconte des boniments aux Français. »
Pour établir un véritable rapport de force avec Alger, Zemmour a détaillé une série de mesures radicales : couper tous les visas, bloquer les regroupements familiaux, empêcher les transferts d’argent par Western Union, saisir les biens des dignitaires algériens en France et leur interdire de venir se faire soigner sur le territoire français. « Là, c’est un rapport de force. Et surtout, tenir », a-t-il martelé.
Le président de Reconquête a également remis en question l’argument du ministre sur l’importance du renseignement algérien pour prévenir les attentats. « Ça a permis effectivement une collaboration étroite lors des attentats de 95. Vous voyez, ça commence à dater », a-t-il lancé, estimant que les services israéliens ou américains sont désormais plus efficaces.
Dans des propos particulièrement virulents, Éric Zemmour est allé jusqu’à déclarer que « l’Algérie a décidé que la France était mûre pour une revanche coloniale ». Il accuse le gouvernement algérien d’organiser « une invasion » en affrétant des cars et des avions pour convoyer des jeunes Algériens vers l’Europe. « Nous les avons colonisés pendant 132 ans, ils veulent désormais nous coloniser », a-t-il affirmé, des propos qualifiés d' »excessifs » par les journalistes présents.
Zemmour s’est néanmoins réjoui du vote cette semaine à l’Assemblée nationale d’une résolution du Rassemblement National visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968, même s’il reconnaît son caractère purement symbolique. « Il y a une majorité à l’Assemblée qui souhaite, et plus encore dans le pays, la dénonciation de ce traité », a-t-il estimé.
Budget 2025 : une « orgie d’impôts » et la convergence RN-LFI dénoncée
Éric Zemmour observe le débat budgétaire avec « effroi et grand intérêt ». Effroi car il constate « une orgie d’impôts, un foisonnement de taxes » dans le pays « déjà le plus imposé du monde ». Intérêt car l’absence de majorité et de 49.3 révèle « la vérité budgétaire, fiscale et donc politique de chacun des groupes ».
Le président de Reconquête a particulièrement insisté sur un point crucial : « La grande leçon qu’on tire de ces débats, c’est la convergence fréquente et régulière et assumée du groupe RN et du groupe LFI autour de textes signés par ATTAC. » Pour Zemmour, cette alliance révèle que le Rassemblement National est « de gauche » et « socialiste en économie ». Il a rappelé avoir été « le premier à dire que Mme Le Pen était de gauche » il y a 15 ans.
Concernant la taxe de 26 milliards d’euros sur les multinationales votée par LFI et le RN, Zemmour estime qu’elle repose sur une vision « profondément marxiste ». Selon lui, cette mesure va « pousser les entreprises françaises à délocaliser » et les entreprises étrangères « ne vont jamais accepter » d’ouvrir leurs comptes mondiaux au fisc français. Il a cité les échanges enflammés sur Twitter entre Jean-Philippe Tanguy du RN et Sarah Knafo sur le budget comme révélateurs du « vieux débat des années 90 » entre souverainistes de gauche pro-impôts et souverainistes de droite favorables à la protection extérieure et à la libération intérieure.
« La messe n’est pas dite » : un appel à la rechristianisation de la France
Présentant son nouveau livre « La messe n’est pas dite – Pour un sursaut judéo-chrétien » aux éditions Fayard, Éric Zemmour a dressé un diagnostic alarmant sur la déchristianisation de la France. « Nous arrivons au terme d’une évolution de plus de deux siècles de déchristianisation qui a commencé sous les Lumières », a-t-il déclaré, citant des statistiques frappantes : seulement 0,2% des filles s’appellent désormais Marie, et la majorité des Français choisissent l’incinération plutôt que l’enterrement selon les rites chrétiens.
Pour le président de Reconquête, la solution passe par la valorisation de l’identité chrétienne : « Il faut apprendre aux enfants des écoles tout ce qu’ils doivent au christianisme » en termes d’architecture, peinture, musique, littérature, mais aussi de droit, d’État, d’hôpitaux et d’école. Il cite Cioran pour illustrer son propos : « Dieu doit beaucoup à Jean-Sébastien Bach », un mot qui selon lui « dit tout » sur la force du christianisme par son identité culturelle.
Zemmour établit un lien direct avec ce qu’il perçoit comme une islamisation croissante : « Parallèlement, nous avons à la place de ce vide chrétien, un plein musulman porté par la démographie et l’agressivité des jeunes. » Il appelle à utiliser la laïcité « contre l’islamisation » avec « autant de force qu’elle l’a été contre le christianisme ».
Jean-Luc Mélenchon, incarnation du « parti de l’étranger »
Dans son livre, Éric Zemmour consacre un chapitre à Jean-Luc Mélenchon, dont il décrit la stratégie comme « une alliance islamo-gauchiste entre les jeunes des quartiers et la jeunesse étudiante endoctrinée par le wokisme ». Le président de Reconquête n’hésite pas à utiliser une comparaison historique choc : « Jean-Luc Mélenchon est aujourd’hui notre évêque Cauchon, vous savez, celui qui a donné Jeanne d’Arc aux Anglais. »
Il qualifie le leader de LFI d’incarnation du « parti de l’étranger », une constante dans l’histoire de France selon lui. Zemmour explique la progression de Mélenchon dans les sondages par sa compréhension d’une nouvelle sociologie électorale : « La nouvelle classe ouvrière, le nouveau peuple de gauche, ce sont les musulmans alliés avec la jeunesse des écoles endoctrinées par le wokisme. »
Le président de Reconquête accuse directement Mélenchon de ne pas être patriote : « Il n’arrête pas de dire que les Français de souche sont un problème. Il n’arrête pas de vanter la jeunesse africaine. Il n’arrête pas de dire que la culture chrétienne est complètement misérable et que nous devons tout à la culture musulmane. »
L’affaire du Louvre : Dati doit partir et le lien avec l’immigration
Concernant le vol au musée du Louvre, Éric Zemmour réclame la démission de Rachida Dati, ministre de la Culture. « Elle a dit que ça fait plus de 20 ans que les risques d’intrusion de vol ont été sous-évalués au Louvre. C’est elle la responsable. Elle a du culot quand même », a-t-il lancé. Il propose de « supprimer le ministère de la Culture » devenu selon lui « un antre à wokistes » et de le remplacer par « un secrétariat d’État aux beaux-arts et aux patrimoines » comme avant Malraux.
Notant que l’un des suspects devait fuir vers l’Algérie et qu’un autre était franco-malien, Zemmour établit ce qu’il appelle un « continuum de violence » : « Des vols, des pillages, des viols, des crimes, des meurtres, des émeutes, tout ça pour la plupart sont mis en œuvre par les mêmes, par la même population, par les mêmes enfants de l’immigration arabe ou musulmane. »
Il va jusqu’à parler d’« une sorte de milice » et de « pratiques d’une armée d’occupation », des termes qui lui ont valu d’être qualifié d' »excessif » par les journalistes présents. Zemmour a maintenu sa position : « Ce n’est pas excessif, au contraire. C’est les gens comme M. Nunez qui sont dans la dissimulation du rapport de force avec l’Algérie. »
La remigration, projet politique central de Zemmour
Interrogé sur ce qu’il ferait s’il était président, Zemmour a détaillé son projet radical : « Tous ces gens qui seraient arrêtés, tous ces criminels, tous ces voleurs, tous ces pillards, tous ces émeutiers seraient déchus de la nationalité française et reprendraient leur seule nationalité algérienne, marocaine, tunisienne, malienne et rentreraient chez eux. »
Face à l’objection sur le refus des pays d’origine de reprendre leurs ressortissants, il a répondu avec assurance : « Soit ils rentreront chez eux, parce que leur pays les reprendrait, soit je trouverai un endroit où les envoyer. On ira au Kosovo, on ira n’importe où, mais on trouvera. » Zemmour a souligné que cette politique de « remigration » est « en train d’être mise en œuvre par le président Trump », tentant ainsi de légitimer son projet par un exemple international.
Cette position le distingue clairement du Rassemblement National, puisque selon lui, « le Rassemblement National ne veut pas de ça ». Il a d’ailleurs confirmé n’avoir aucun échange avec Marine Le Pen ou Jordan Bardella, et maintient sa prophétie que Marine Le Pen « ne gagnera jamais », rappelant qu’elle a perdu en 2022 et que Bardella n’est pas devenu Premier ministre en 2024.
Un contexte électoral incertain à 500 jours de la présidentielle
Le sondage Elabe publié ce dimanche montre le Rassemblement National largement en tête avec 35% des intentions de vote, quel que soit son candidat. Jordan Bardella est crédité de 34 à 35%, Marine Le Pen autour de 33%, tandis que Sarah Knafo atteindrait 6,5% sous les couleurs de Reconquête.
Zemmour a toutefois rappelé une constante historique pour relativiser ces chiffres : « J’ai toujours vu que les gens qui étaient très largement en tête à 500 jours de l’élection présidentielle perdaient l’élection et n’étaient pas au second tour. » Il cite Édouard Balladur, Lionel Jospin et Alain Juppé comme exemples de favoris déchus.
Concernant Jordan Bardella, Zemmour s’est montré dubitatif sur sa capacité à affronter une campagne présidentielle. « La dernière fois que dans l’histoire de France, on a donné le pouvoir à un homme de 30 ans, il s’appelait Napoléon Bonaparte. C’était un génie qui avait sauvé la France. Je ne crois pas, ce n’est pas être insultant, qu’il ait de cette trempe-là », a-t-il déclaré avec ironie.
Selon lui, « Marine Le Pen a plus d’expérience, d’épaisseur » que Jordan Bardella.
Cette interview marathon d’Éric Zemmour sur BFM TV confirme son positionnement radical sur l’ensemble des sujets régaliens. Mais c’est surtout son ouverture à une primaire « de Darmanin à Knafo » qui marque un tournant potentiel dans la recomposition de la droite française. Reste à savoir si cette proposition, qui redessinerait complètement le paysage politique à droite, trouvera un écho chez Gérald Darmanin, Les Républicains et les autres formations concernées. À 500 jours de la présidentielle 2027, la question de l’union ou de la division des droites demeure plus que jamais au cœur du débat politique français.