Mercredi 5 novembre, Shein inaugurera son premier magasin physique permanent au BHV de Paris. Une ouverture très contestée, tant par les autorités que par les associations écologistes et syndicales, qui dénoncent le modèle ultra-polluant et socialement précaire du géant chinois de la mode à bas prix.
C’est un séisme dans le monde du commerce parisien : le géant chinois Shein, symbole de la fast-fashion mondialisée, s’apprête à ouvrir son tout premier magasin permanent au Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV), en plein cœur de Paris. L’annonce, faite le 31 octobre par Frédéric Merlin, président de la Société des grands magasins (SGM) — propriétaire du BHV — a immédiatement ravivé la controverse.
« BHV SHEIN, ouverture le 5 novembre à 13 h — première mondiale », a déclaré le dirigeant sur Instagram, évoquant un espace de plus de 1 000 m² au sixième étage du grand magasin historique. Une première mondiale pour l’entreprise chinoise, jusqu’ici exclusivement en ligne.
L’arrivée de Shein au BHV, suivie de l’ouverture de cinq autres magasins en province (Dijon, Reims, Grenoble, Angers et Limoges), marque un tournant dans la stratégie du groupe, désireux de s’ancrer durablement dans le paysage commercial européen. Mais ce virage est loin de faire l’unanimité.
Le gouvernement français, la Mairie de Paris, plusieurs marques partenaires du BHV, ainsi que l’intersyndicale des salariés du magasin ont dénoncé ce partenariat jugé incompatible avec les valeurs de durabilité et d’éthique sociale. Une pétition citoyenne a déjà recueilli plus de 110 000 signatures pour réclamer l’annulation du projet.
Les critiques ne datent pas d’hier. Fondée en 2012 en Chine, désormais domiciliée à Singapour, Shein est accusée de pollution environnementale massive, de conditions de travail indignes dans ses chaînes d’approvisionnement, et d’un marketing trompeur. En 2025, la marque s’est vu infliger trois amendes en France, pour un total de 191 millions d’euros, sanctionnant des manquements relatifs aux cookies en ligne, à des fausses promotions et à la non-déclaration de microfibres plastiques dans ses vêtements.
Sur le plan économique, Shein s’impose comme un mastodonte : 16 000 employés dans le monde et 23 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022. Son modèle repose sur la mise en ligne de milliers de nouvelles références chaque jour, vendues à des prix défiant toute concurrence. Les professionnels du textile européen dénoncent une concurrence déloyale, rendue possible par une faille réglementaire : l’exemption de droits de douane pour les petits colis importés, qui permet à Shein d’inonder le marché européen à bas coût.
Pour les défenseurs de l’environnement, cette ouverture au BHV incarne une dérive symbolique : celle d’un commerce de centre-ville prêt à s’associer à une marque responsable de millions de tonnes de déchets textiles et d’émissions de CO₂. Selon France Nature Environnement, Shein « sape les efforts collectifs pour une mode plus durable » et détourne les jeunes consommateurs « vers un modèle d’hyperconsommation incompatible avec les objectifs climatiques européens ».
Malgré cette levée de boucliers, la direction du BHV maintient son cap. Le magasin ouvrira comme prévu le 5 novembre, sous haute surveillance médiatique et politique. À quelques jours de la COP30, l’inauguration risque de devenir un symbole de la fracture entre promesses écologiques et réalités économiques.
Sources :
- Le Monde – « Shein, symbole de la fast-fashion, va ouvrir mercredi son premier magasin au BHV, à Paris » – lemonde.fr
– 31 octobre 2025
- AFP – dépêche citée par Le Monde, 31 octobre 2025
- France Inter – « La polémique autour de l’ouverture du premier magasin Shein à Paris » – octobre 2025
- France Nature Environnement – communiqué sur l’impact environnemental de la fast-fashion – octobre 2025