Un tribunal de Varsovie a rejeté la demande allemande d’extradition d’un citoyen ukrainien soupçonné d’avoir participé au sabotage du gazoduc Nord Stream en 2022. La décision, saluée par le premier ministre Donald Tusk, illustre les tensions persistantes autour de cette affaire explosive à l’échelle européenne.
Trois ans après les explosions qui ont endommagé les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique, l’enquête sur ce sabotage spectaculaire continue de diviser les capitales européennes. Vendredi 17 octobre, le tribunal régional de Varsovie a refusé la demande d’extradition présentée par l’Allemagne à l’encontre d’un ressortissant ukrainien, Volodymyr Z., soupçonné d’avoir participé à l’opération.
« La demande des autorités allemandes visant à obtenir l’extradition ne mérite pas d’être prise en considération », a déclaré le juge en charge du dossier. Le tribunal a également ordonné la remise en liberté immédiate du suspect, détenu en Pologne depuis plusieurs semaines à la demande de Berlin.
Quelques heures après l’annonce, le premier ministre polonais Donald Tusk a réagi sur le réseau X (ex-Twitter) d’un laconique : « Affaire classée. » Une formule qui en dit long sur la volonté de Varsovie de clore le dossier sur son sol, alors même que les autorités allemandes espéraient obtenir la coopération de leurs partenaires européens pour poursuivre l’enquête.
Cette décision intervient dans un contexte de frictions croissantes entre les services judiciaires européens autour du sabotage du Nord Stream, survenu en septembre 2022. Les explosions, survenues à proximité de l’île danoise de Bornholm, avaient détruit plusieurs tronçons du gazoduc reliant directement la Russie à l’Allemagne.
Si Moscou avait immédiatement dénoncé un « acte de terrorisme international », Berlin, Stockholm et Copenhague avaient ouvert des enquêtes distinctes qui avaient été vites abandonnées.
C’est un consortium de média allemand qui a continué à mener l’enquête. Celle-ci converge aujourd’hui vers la thèse d’une opération clandestine menée depuis un voilier loué sous pavillon polonais, possiblement par un groupe pro-ukrainien. Une hypothèse que Kiev a toujours vigoureusement démentie, même si des liens avec le plus niveau de l’état semble avéré.
Le refus polonais fait écho à la décision prise mercredi par la Cour suprême italienne, qui a elle aussi bloqué l’extradition d’un autre Ukrainien, Serhii Kuznietsov, recherché par l’Allemagne pour des faits similaires. Rome a ordonné le réexamen du dossier par une juridiction inférieure, évoquant des zones d’ombre sur les preuves présentées par les procureurs allemands.
Ces revers judiciaires constituent un nouveau coup d’arrêt pour les médias allemands, qui tente depuis deux ans de faire la lumière sur cette affaire géopolitique majeure. Le sabotage du Nord Stream a non seulement accéléré la rupture énergétique entre l’Europe et la Russie, mais aussi ravivé les rivalités intra-européennes sur la gestion des enquêtes transnationales.
Sources :
Le Monde – Sabotage de Nord Stream : un tribunal polonais refuse la remise à Berlin d’un suspect ukrainien – lien
AFP – La Pologne rejette la demande d’extradition d’un suspect ukrainien dans l’affaire Nord Stream – lien
Reuters – Polish court refuses to extradite Ukrainian suspect over Nord Stream sabotage – lien