Dans une rare interview donnée au média hongrois Partizan, l’ancienne chancelière allemande a évoqué la réticence de la Pologne et des pays Baltes à une négociation commune avec Vladimir Poutine avant la guerre en Ukraine. Des déclarations qui ont suscité une vague d’indignation à Berlin comme à Varsovie, certains estimant qu’Angela Merkel “détruit sa propre image”.
Angela Merkel, longtemps louée pour sa prudence et sa discrétion depuis son départ du pouvoir, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une polémique internationale. Dans une interview accordée au portail hongrois Partizan, publiée le 3 octobre 2025, l’ancienne chancelière allemande a confié qu’en juin 2021, elle avait tenté, en partenariat avec Emmanuel Macron, de créer “un autre format” de négociations entre l’Union européenne et Vladimir Poutine. Selon elle, ce projet a échoué faute de soutien de la part des États baltes et de la Pologne, qui craignaient “l’impossibilité de développer une politique commune contre la Russie”.
Ces propos, livrés sans animosité apparente, ont pourtant provoqué un tollé. “Angela Merkel s’abstient généralement de commenter l’actualité internationale”, rappelle Der Spiegel. Mais en rompant ce silence, elle a ouvert une brèche dans le consensus européen sur la responsabilité de Moscou dans la guerre d’Ukraine, et relancé le débat sur sa propre politique vis-à-vis du Kremlin.
En Allemagne, les critiques fusent. Michael Roth, ancien ministre social-démocrate des Affaires étrangères, rappelle que “les États baltes et la Pologne étaient convaincus depuis longtemps de l’imminence d’une invasion russe, tandis qu’à Berlin on doutait encore de la gravité de la menace”. Pour Stefan Meister, expert à la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik, Merkel se trompe de cible : “En ne libérant pas l’Allemagne de sa dépendance énergétique à la Russie, elle a donné à Poutine le sentiment qu’il pouvait agir impunément.” Le quotidien Handelsblatt résume d’un ton sévère : “Avec ses propos dénués de toute autocritique, Angela Merkel a détruit sa propre image.”
Au-delà du Rhin, la réaction est encore plus virulente. En Pologne, la presse a largement relayé l’entretien, titrant parfois de manière outrancière que Merkel “accuse Varsovie d’avoir provoqué la guerre”. Le site d’information Onet parle d’“indignation nationale”, tandis que l’ancien Premier ministre Mateusz Morawiecki s’emporte sur X : “Angela Merkel prouve qu’elle fut l’une des politiciennes les plus nuisibles à l’Europe du XXIe siècle.” À la télévision Polsat, la ministre Katarzyna Pelczynska-Nalecz estime, elle, que les propos de l’ex-chancelière servent « la propagande russe”.
Le Kremlin, de son côté, n’a pas tardé à s’en saisir. Le porte-parole Dmitri Peskov s’est félicité des déclarations de Merkel, affirmant que “Bruxelles est otage de la politique agressive des pays Baltes et de la Pologne envers la Russie”. Une récupération immédiate qui renforce le malaise européen face à la portée politique de l’entretien.
Plus mesuré, le site de vérification polonais Demagog a rappelé que la septuagénaire n’avait “jamais imputé la responsabilité du conflit à la Pologne” et que cette lecture provenait d’une interprétation abusive, notamment du tabloïd allemand Bild.
Sources :
Courrier international – « Avec ses propos sur la Russie, Angela Merkel “détruit sa propre image” » – courrierinternational.com – 9 octobre 2025
Der Spiegel – « Merkel sorgt mit Russland-Aussagen für Empörung » – 4 octobre 2025
Mitteldeutscher Rundfunk – Déclarations de Michael Roth et Stefan Meister sur les propos de Merkel – 5 octobre 2025
Onet – « Merkel oskarża Polskę o wojnę? Oburzenie w sieci » – 6 octobre 2025
Rzeczpospolita – « Peskov d’accord avec Merkel » – 7 octobre 2025
Demagog – Fact-check sur les interprétations médiatiques des propos de Merkel – 8 octobre 2025