Lauréat du prix Nobel de physique 2025, le Britannique John Clarke a profité de sa distinction pour fustiger la politique scientifique de l’administration Trump, jugée responsable d’un “retard historique” dans la recherche américaine. Ses travaux, menés avec Michel Devoret et John Martinis, ont ouvert la voie à l’informatique quantique.
C’est une sortie politique rare pour un lauréat du Nobel de physique. À 83 ans, John Clarke, chercheur britannique installé depuis des décennies à Berkeley (Californie), a reçu le prestigieux prix Nobel de physique 2025, aux côtés du Français Michel Devoret et de l’Américain John M. Martinis, pour leurs découvertes sur “l’effet tunnel quantique macroscopique et la quantification de l’énergie dans un circuit électrique”. Des travaux fondamentaux, salués par l’Académie royale des sciences de Suède, qui ont permis des avancées majeures dans la cryptographie quantique et les ordinateurs quantiques.
Mais au-delà de la reconnaissance scientifique, John Clarke a profité de l’annonce pour lancer un message sévère à l’adresse de l’administration Trump. Interrogé par l’AFP depuis Berkeley, le physicien n’a pas mâché ses mots : “La politique scientifique menée sous Trump a été désastreuse. Il pourrait falloir une décennie pour revenir au niveau où nous étions il y a six mois.” Selon lui, les coupes budgétaires dans la recherche, les suppressions de postes au sein des agences fédérales et la politisation des institutions scientifiques ont profondément affaibli la compétitivité américaine.
Le chercheur juge ces décisions “totalement incompréhensibles pour quiconque est scientifique”, rapporte Mercury News. Ces critiques, reprises par plusieurs médias internationaux, illustrent une inquiétude partagée dans la communauté scientifique : la fragilisation du financement public a ralenti la recherche fondamentale, tandis que les investissements privés, concentrés sur les géants de la tech, ont pris une influence démesurée sur l’orientation des programmes.
Les travaux récompensés par le Nobel trouvent pourtant leurs applications les plus prometteuses dans les projets portés par ces mêmes acteurs industriels. The Guardian rappelle que John Martinis, ancien responsable de l’équipe d’informatique quantique de Google, a contribué à démontrer l’“avantage quantique” — la capacité d’un ordinateur quantique à dépasser la puissance des ordinateurs classiques. De son côté, Michel Devoret, aujourd’hui chercheur à Yale, dirige une partie du Quantum AI Lab, laboratoire conjoint de Google et de la NASA.
Le Financial Times souligne que les expériences pionnières du trio ont permis de prouver que les phénomènes quantiques, longtemps confinés au monde subatomique, pouvaient être observés à l’échelle macroscopique dans des circuits électriques. “C’est une découverte fondatrice pour toutes les technologies quantiques modernes”, explique Olle Eriksson, président du comité Nobel.
Dans un clin d’œil d’humilité, John Clarke a confié s’être “complètement abasourdi” par la nouvelle, avant de rendre hommage à ses deux collègues, qu’il juge “tout simplement écrasants de talent”. Pour ce chercheur discret, la récompense consacre aussi une vie entière passée à démontrer que la science doit être soutenue, pas fragilisée : “La mécanique quantique, vieille de plusieurs siècles, continue de surprendre. Mais elle ne progressera pas si l’on néglige la recherche fondamentale.”
Pour certains observateurs, cette distinction revêt une portée politique : elle marque le retour en grâce de la science dans le débat public, après des années de défiance et de coupes budgétaires. Comme le note Scientific American, les découvertes de Clarke et de ses pairs sont aujourd’hui au cœur des enjeux stratégiques du XXIe siècle : cybersécurité, intelligence artificielle, défense et souveraineté technologique.
Alors que les États-Unis, la Chine et l’Union européenne investissent massivement dans le quantique, John Clarke rappelle que la science n’est pas qu’un levier d’innovation, mais aussi “un bien commun mondial”. À l’heure où la “fuite des cerveaux” semble s’inverser, selon la physicienne britannique Eleanor Crane, les paroles du nouveau Nobel résonnent comme un plaidoyer pour une politique scientifique fondée sur la continuité, la confiance et la curiosité — pas sur la conjoncture électorale.
Sources :
Courrier international – “Le Prix Nobel de physique 2025 juge la politique scientifique de Trump ‘désastreuse’” – 8 octobre 2025 – https://www.courrierinternational.com
The Guardian – “Nobel physics prize honours quantum tunnelling pioneers” – 7 octobre 2025 – https://www.theguardian.com
Financial Times – “Quantum pioneers win Nobel physics prize 2025” – 7 octobre 2025 – https://www.ft.com
Scientific American – “Quantum Computing and the 2025 Nobel Prize in Physics” – 7 octobre 2025 – https://www.scientificamerican.com
Mercury News – “UC Berkeley’s John Clarke calls Trump’s science policy disastrous after Nobel win” – 7 octobre 2025 – https://www.mercurynews.com