Une semaine après la chute du gouvernement, le président Andry Rajoelina a nommé le général Ruphin Fortunat Zafisambo Premier ministre. Ce choix, perçu comme une “provocation” par les jeunes manifestants à l’origine de la contestation, renforce la fracture entre le pouvoir et la rue.

À Antananarivo, le calme reste précaire. Une semaine après avoir limogé son gouvernement sous la pression de la rue, le président malgache Andry Rajoelina a tranché : son nouveau Premier ministre sera un militaire. Le général Ruphin Fortunat Zafisambo, ancien chef de cabinet militaire du précédent gouvernement, a été officiellement nommé le 6 octobre, avec pour mission de “rétablir l’ordre public” et de “ramener la stabilité en six mois”.

La décision, présentée comme un choix de “fermeté et d’efficacité”, divise profondément l’opinion. Pour L’Express de Madagascar, qui titre “Six mois pour faire ses preuves”, il s’agit d’un pari risqué dans un pays en pleine ébullition politique et sociale.

Un homme du sérail militaire

Issu de la prestigieuse académie d’Antsirabe, Ruphin Fortunat Zafisambo appartient à la haute hiérarchie de l’armée malgache. S’il n’était pas pressenti pour le poste, il figurait parmi les proches collaborateurs du gouvernement sortant. Son profil, symbole de discipline et d’autorité, tranche avec les attentes de la “génération Z”, moteur du mouvement de contestation qui secoue le pays depuis la fin septembre.

“Nommer un militaire, c’est envoyer un message clair : celui de la reprise en main par la force”, commente le quotidien Midi Madagasikara, qui souligne un “tournant sécuritaire” dans la stratégie du président Rajoelina. Lors de la cérémonie de nomination, le chef de l’État a averti :

“Si les objectifs posés sont atteints, vous poursuivrez le travail. Dans le cas contraire, nous prendrons les décisions qui s’imposent.”

Un siège éjectable, donc, pour un Premier ministre déjà contesté avant même d’avoir pris ses fonctions.

Une génération en rupture avec le pouvoir

Les manifestations, menées par de jeunes Malgaches souvent apolitiques, dénoncent la corruption endémique, le chômage massif et l’immobilisme politique. Pour ces protestataires, la nomination d’un général est vécue comme une trahison du message de “rupture” promis par Andry Rajoelina.

Le site Madagascar-Tribune.com y voit une “diversion politique” :

“Le président a promis le changement, mais nomme un homme du système. Ce choix sera perçu comme une provocation et accueilli comme tel.”

Même son de cloche du côté d’Africa News, qui rapporte que les collectifs de la jeunesse menacent désormais de “durcir leur mouvement” face à ce qu’ils considèrent comme une confiscation du pouvoir par l’élite militaire.

Un pays sous tension

La chute du gouvernement de Christian Ntsay, le 29 septembre, avait été saluée comme une victoire par les manifestants. Mais l’arrivée d’un général à la primature ravive les soupçons d’un retour à l’autoritarisme. En toile de fond, Madagascar traverse une crise économique aiguë, marquée par la flambée des prix, la pénurie de carburant et une dette publique record.

Dans les rues d’Antananarivo, la lassitude domine. “C’est toujours les mêmes qui gouvernent, et toujours les jeunes qui subissent”, souffle un manifestant cité par L’Express. Pour nombre d’observateurs, la rue malgache, qui a déjà fait chuter plusieurs gouvernements depuis 2009, pourrait bien redevenir le principal acteur politique des prochains mois.

Sources :

L’Express de Madagascar – “Six mois pour faire ses preuves” – 7 octobre 2025 – lexpressmada.com
Madagascar-Tribune.com – “Une diversion politique perçue comme une provocation” – 7 octobre 2025 – madagascar-tribune.com
Midi Madagasikara – “Le président choisit la fermeté face à la rue” – 7 octobre 2025 – midi-madagasikara.mg
Africa News – “La génération Z conteste la nomination du général Zafisambo” – 7 octobre 2025 – africanews.com