Bruxelles double son aide au Groenland pour consolider son influence dans l’Arctique. Tandis que Donald Trump multiplie les signaux d’intérêt envers le territoire, le gouvernement groenlandais ouvre la porte à une coopération élargie avec l’Union européenne — un tournant géopolitique majeur dans la région.
Une nouvelle page s’écrit dans le Grand Nord. Le 2 octobre 2025, à Copenhague, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a officialisé la volonté de l’Union européenne (UE) d’“approfondir” ses relations avec le Groenland, territoire autonome du royaume du Danemark.
En échange, le gouvernement groenlandais, dirigé par Jens-Frederik Nielsen, se dit prêt à renforcer son partenariat stratégique avec Bruxelles.
Selon l’agence danoise Ritzau, la Commission prévoit de doubler son soutien financier, atteignant 530 millions d’euros dans le prochain budget pluriannuel (2028-2034).
Objectif : accompagner le développement économique, la transition énergétique et la formation locale, tout en consolidant la présence européenne dans une zone convoitée pour ses ressources minières et énergétiques.
“Ce soutien donnera au Groenland les moyens de bâtir une économie moderne et durable, selon ses propres conditions”, a déclaré Dan Jorgensen, commissaire européen à l’Énergie, cité par Berlingske.
L’offensive de charme de Bruxelles
Depuis un an, Bruxelles mène une véritable offensive diplomatique dans l’Arctique. Le Groenland, riche en terres rares, uranium, cuivre et nickel, est au cœur des ambitions économiques et géopolitiques de l’Europe. L’ouverture d’un bureau permanent de la Commission européenne à Nuuk, en 2024, avait déjà marqué un virage majeur dans cette stratégie d’influence.
Selon Politiken, cette dynamique est également une réaction directe aux “ambitions agressives” de Donald Trump, revenu à la Maison-Blanche en janvier 2025. L’ancien président américain avait ravivé son idée de “racheter le Groenland”, une proposition déjà formulée en 2019 et accueillie avec ironie à l’époque.
Mais à Nuuk, cette nouvelle posture américaine a provoqué un réflexe de méfiance et un rapprochement avec Bruxelles, jugée moins intrusive.
“ Les Groenlandais voient dans l’Europe un partenaire de respect mutuel, là où Washington agit avec une logique d’expansion ”, commente Sermitsiaq, journal local.
Soutien danois et implication française
Le Danemark, souverain sur l’île mais favorable à son autonomie, soutient activement le dialogue avec l’UE.
Lors du sommet de la Communauté politique européenne à Copenhague, la Première ministre danoise Mette Frederiksen et Emmanuel Macron ont réaffirmé l’importance d’un ancrage européen fort dans l’Arctique, face à la compétition entre les États-Unis, la Chine et la Russie.
La France s’implique désormais directement : la visite d’Emmanuel Macron à Nuuk en juin 2025 avait été saluée comme “une réponse à l’appel du Groenland”.
L’Élysée s’était alors engagé à appuyer les projets de coopération minière et environnementale entre l’île et l’Union européenne.
Un partenaire stratégique, pas encore un membre
Pour le Groenland, ce rapprochement reste prudent.
Si certains partis, comme Demokraatit, plaident pour une adhésion pleine à l’Union européenne, le gouvernement de Jens-Frederik Nielsen privilégie pour l’instant une “coopération renforcée”, notamment dans la pêche, l’énergie et la recherche scientifique.
“Le Groenland ne souhaite pas rejoindre l’UE, mais veut établir un partenariat d’égal à égal”, a déclaré le Premier ministre à la presse lors du sommet.
Le souvenir du “Groexit” de 1985, lorsque le Groenland avait quitté la Communauté économique européenne après un référendum, reste vivace.
Aujourd’hui encore, une partie de la population craint un retour à une forme de dépendance économique et politique.
Une bataille géopolitique dans l’Arctique
Pour les analystes, la décision de Bruxelles illustre la montée en puissance d’une “ guerre d’influence polaire ”.
Alors que la fonte des glaces ouvre de nouvelles routes maritimes et des accès à des gisements miniers, le Groenland devient un territoire-clé pour la sécurité énergétique et stratégique de l’Europe.
“Le Groenland est aujourd’hui au centre d’un triangle d’intérêts entre Washington, Pékin et Bruxelles”, résume Politiken.
Et pour la première fois depuis des décennies, l’Europe semble en position de force.
Source : Courrier International.