You are currently viewing Quand Valéry Giscard d’Estaing flirtait avec la franc-maçonnerie : archives du Nouvel Observateur de 1975
"Une" du « Nouvel Observateur » du lundi 7 juillet 1975 : « Giscard et les francs-maçons ». Image : @LE NOUVEL OBSERVATEUR

Quand Valéry Giscard d’Estaing flirtait avec la franc-maçonnerie : archives du Nouvel Observateur de 1975

En juillet 1975, le Nouvel Observateur publiait un article explosif sur les relations ambiguës entre Valéry Giscard d’Estaing et la franc-maçonnerie. Retour, 50 ans plus tard, sur un épisode méconnu de la vie politique française.

Le 31 janvier 1974, quelques mois avant son élection à l’Élysée, Valéry Giscard d’Estaing – alors ministre de l’Économie et des Finances – fut reçu en « tenue blanche fermée » au temple Franklin-D.-Roosevelt, siège de la Grande Loge de France à Paris.

Guidé par le docteur Pierre Simon, grand maître et figure du Planning familial, Giscard découvrit l’univers symbolique des loges : compas, équerre, pierres brutes et taillées, et le fameux Delta rayonnant.

Cette rencontre, relatée en détail dans le Nouvel Observateur n° 556 du 7 juillet 1975, souleva immédiatement des interrogations : s’agissait-il d’une simple curiosité, ou d’une manœuvre politique pour séduire une partie de la franc-maçonnerie ?

Une stratégie politique dans une France en recomposition

À la mort de Georges Pompidou en avril 1974, l’élection présidentielle anticipée plaça Giscard face à François Mitterrand. L’avance fut mince : 342 000 voix seulement.
Dès lors, le futur président chercha à élargir sa base. La neutralité bienveillante de certaines obédiences maçonniques – notamment la Grande Loge de France, réputée plus modérée que le Grand Orient – constitua un atout discret mais précieux.

Selon Georges Mamy, auteur de l’article de 1975, cette ouverture vers les loges s’inscrivait dans une logique d’équilibre politique, alors que le radicalisme se divisait et que les socialistes affirmaient leur hégémonie.

Le Grand Orient : une obédience marquée à gauche

Si la Grande Loge entretenait une image d’ouverture, le Grand Orient de France, plus puissant et plus ancré à gauche, demeurait méfiant. Dirigé alors par Jean-Pierre Prouteau, l’obédience restait officiellement apolitique mais comptait une majorité de militants socialistes.

Cette ambiguïté renforçait le débat : la franc-maçonnerie française, souvent perçue comme républicaine et progressiste, pouvait-elle être tentée par une alliance implicite avec un président classé au centre-droit ?

Les francs-maçons comme arbitres politiques ?

Le Nouvel Obs soulignait déjà en 1975 le flou artistique qui entourait cette relation. Giscard, par son discours sur « l’humanisme dans le monde de demain », avait su flatter la dimension philosophique des loges sans jamais s’engager.

Résultat : un « flirt calculé » des deux côtés. Pour Giscard, c’était une manière de mordre sur l’électorat de gauche et d’afficher une ouverture. Pour certains francs-maçons, c’était l’occasion de peser discrètement sur le pouvoir tout en revendiquant leur indépendance

L’archive du Nouvel Observateur de juillet 1975 montre un Giscard d’Estaing soucieux d’élargir sa majorité en explorant des terrains inattendus, comme celui de la franc-maçonnerie.

Plus qu’un rapprochement formel, il s’agissait d’un jeu d’équilibre et d’influence, révélateur de l’instabilité politique des années 1970.

Cinquante ans plus tard, cet épisode continue d’alimenter l’histoire croisée de la Ve République et des loges maçonniques françaises. Avec le recul, l’épisode illustre une constante de la vie politique française : la tentation d’utiliser la franc-maçonnerie comme relais d’influence.

Source : Le Nouvel Obs.

Laisser un commentaire