Le 4 février 1794, une date capitale dans l’histoire de la Révolution française, marque l’abolition de l’esclavage en France et dans ses colonies. Ce décret, adopté par la Convention nationale, représente un acte fort, dicté à la fois par des principes humanitaires inspirés des Lumières et par une volonté pragmatique de restaurer l’ordre dans les colonies françaises, notamment à Saint-Domingue, face à la pression militaire britannique.
C’est le Conventionnel René Levasseur, issu de la Sarthe, qui propose d’étendre cette abolition à toutes les colonies françaises. L’esclavage est alors qualifié de « crime de lèse-humanité », une condamnation sévère et symbolique qui inscrit l’humanisme au cœur des débats révolutionnaires. Cette décision s’inscrit aussi dans un contexte géopolitique complexe, où la France lutte pour garder ses possessions dans les Caraïbes face à l’assaut des forces britanniques.
Les esclaves affranchis deviennent immédiatement citoyens français, bénéficiant des mêmes droits que les autres citoyens de la République. Cependant, la mise en œuvre de cette abolition se heurte à diverses résistances, notamment dans les colonies comme la Martinique, où les Britanniques exercent encore un contrôle.
Une application inégale dans les colonies
Bien que l’abolition soit proclamée dans l’ensemble des colonies françaises, son application n’est pas uniforme. À la Guadeloupe, sous la direction de Victor Hugues, l’abolition est concrétisée rapidement, tout comme en Guyane et à Saint-Lucie, prises sous contrôle par la France à la fin de 1795. En revanche, aux Mascareignes, notamment à La Réunion et à Maurice, l’abolition rencontre une résistance locale, et ce n’est qu’en 1796 que les commissaires du Directoire échouent dans leur tentative d’imposer l’émancipation.
À Paris, l’adoption de ce décret est accueillie chaleureusement, et plusieurs fêtes populaires sont organisées en province pour célébrer l’événement. Des personnalités comme Pierre Chaumette, Danton, et l’abbé Grégoire prennent la parole lors de ces célébrations, soulignant l’importance de cette avancée pour l’égalité des droits.
Le rétablissement de l’esclavage sous Napoléon
Malheureusement, l’abolition de l’esclavage ne dure pas. En 1802, la loi du 20 mai, sous l’égide de Napoléon Bonaparte, abroge ce décret d’émancipation. Si cette loi ne rétablit pas l’esclavage dans toutes les colonies françaises, elle laisse une grande latitude au gouvernement pour légiférer en ce sens. Cela permet notamment le rétablissement de l’esclavage dans les Mascareignes et dans les îles récemment rendues à la France par le traité d’Amiens, comme la Martinique et Tobago.
À la Guadeloupe, des révoltes éclatent en mai 1802, menées par des soldats noirs, mais elles sont réprimées dans le sang. Le rétablissement légal de l’esclavage est finalement acté en 1803, marquant un retour tragique au système antérieur à 1789. En Guyane, l’esclavage est rétabli en 1803 par un règlement de Victor Hugues, mettant fin à une courte période d’émancipation.
Une lutte continue : l’abolition définitive en 1848
Ce n’est qu’en 1848, sous le gouvernement provisoire de la Deuxième République, que l’abolition de l’esclavage devient définitive, sous l’impulsion de figures comme Victor Schœlcher. Ce long combat, entamé bien avant la Révolution française avec la controverse de Valladolid où fut décidé du sort des noirs et des amérindiens en 1550, trouve finalement son aboutissement. L’abolition de l’esclavage en 1794, bien que provisoire, constitue une étape essentielle dans la lutte pour l’égalité et la dignité humaine.