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Le général André évacué de la Chambre des députés pendant la bagarre déclenchée par la gifle qu'il a reçue du député nationaliste Gabriel Syveton. Image : @Louis Rémy Sabattier

Affaire des fiches : Quand le Grand Orient de France nommait les officiers de l’Armée française

En 1904, sous la Troisième République, le scandale des fiches éclate : un système clandestin de fichage politique au sein de l’armée, orchestré par le général Louis André, ministre de la guerre, grâce au Grand Orient de France, provoque une crise gouvernementale majeure. Entre délations, gifle parlementaire et chute du gouvernement Combes, l’affaire révèle l’influence des loges et des tensions entre État, armée et laïcité.

Au tournant du XIXᵉ siècle, l’armée française est accusée d’être un bastion anti-républicain, renforcé par l’affaire Dreyfus. Pour réaffirmer le contrôle républicain, le général Louis André, ministre de la Guerre, instaure entre 1900 et 1904 un système de fichage politique et religieux des officiers, élaboré avec les loges maçonniques du Grand Orient de France et les préfets.

Mise en place du système

Deux catégories de fiches sont établies : Corinthe, qui favorise les officiers républicains, francs-maçons, ou libres‑penseurs et Carthage qui marque les officiers nationalistes, catholiques, ou considérés hostiles à la République.

Ces fichiers, largement soutenus par André, supplantent les notations militaires officielles dans la prise de décision sur les avancements.

Révélations et explosion du scandale

Le 28 octobre 1904, le député nationaliste Jean Guyot de Villeneuve révèle le système devant la Chambre des députés, appuyé par les fiches fournies par Jean‑Baptiste  Bidegain, du Grand Orient.

Le 4 novembre, la confrontation atteint son paroxysme lorsque Gabriel Syveton gifle le général André à la tribune, déclenchant une bagarre générale.

Conséquences politiques

Malgré le soutien de Jean Jaurès et du Bloc des gauches, le gouvernement Émile Combes finit par tomber le 15 janvier 1905, emporté par la controverse.

Le nouveau cabinet de Maurice Rouvier condamne le fichage et engage une politique d’apaisement, bien que le système subsiste, relayé désormais par les préfets, jusqu’à son abolition en 1913 par le ministre Alexandre Millerand.

Héritage durable

L’affaire des fiches a profondément divisé la gauche républicaine, bien que des figures comme Jaurès aient mobilisé les arguments de défense de l’État. Elle a aussi affaibli le haut‑commandement militaire en instaurant une méfiance durable liée à l’intrusion politique dans la promotion des officiers. Des analystes militaires se sont également demandé si ce système qui n’était pas basé sur le mérite n’avait pas affaibli l’Armée française avant la première guerre Mondiale.

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