Pour la première fois, les autorités de Macao appliquent leur loi renforcée sur la sécurité nationale contre une figure du camp pro-démocratie. Au Kam San, ancien élu et citoyen portugais, est accusé d’avoir collaboré avec des entités étrangères et troublé l’ordre public. Une affaire qui marque un tournant dans l’autonomie déclinante de la région administrative spéciale chinoise.
La République populaire de Chine franchit une nouvelle étape dans l’extension de son arsenal répressif. Le 30 juillet 2025, à Macao, l’ancien député pro-démocratie Au Kam San a été arrêté au nom de la loi de sécurité nationale. À 68 ans, ce vétéran du combat politique local, également détenteur de la nationalité portugaise, est le premier citoyen macanais visé par cette législation durcie en 2023, à l’image de celle déjà appliquée à Hongkong.
La police judiciaire l’accuse d’avoir fourni des « informations erronées et séditieuses » à des entités étrangères jugées hostiles à la Chine, d’avoir attisé la haine envers le gouvernement local, et d’avoir perturbé le scrutin de 2024 qui a vu l’élection de Sam Hou Fai, candidat pro-Pékin, à la tête de l’exécutif. Il lui est également reproché d’avoir incité des pays étrangers à adopter des mesures hostiles contre Macao, selon un communiqué officiel.
Au Kam San, qui s’était retiré de la vie politique en 2021 après près de deux décennies de mandat parlementaire, est une figure emblématique du camp démocrate local. Enseignant de profession, il incarnait une voix critique dans un paysage politique de plus en plus muselé. Cette arrestation symbolique marque un basculement : jusqu’ici, la région administrative spéciale s’était montrée relativement épargnée par les dérives autoritaires visibles à Hongkong. Mais avec l’entrée en vigueur d’un texte révisé en mai 2023, Macao semble désormais suivre le même chemin.
Rétrocédée par le Portugal à la Chine en 1999, Macao bénéficiait jusque-là d’un régime juridique distinct, garanti par le principe « un pays, deux systèmes ». Ce statut particulier permettait un certain pluralisme politique et des libertés civiles élargies, bien qu’encadrées. Or, ces acquis se trouvent aujourd’hui fragilisés par des mesures judiciaires qui redéfinissent les limites de la dissidence et de la liberté d’expression dans la péninsule.
Human Rights Watch a rapidement réagi, dénonçant une « instrumentalisation politique de la loi de sécurité nationale » et appelant à la libération immédiate d’Au Kam San. L’ONG s’inquiète d’une « vague d’arrestations à venir » dans le sillage de cette première inculpation, redoutant une importation pure et simple du modèle hongkongais.
À ce stade, l’ancien élu est placé en détention préventive sans possibilité de libération sous caution. Ni ses avocats ni les représentants portugais n’ont encore pu commenter publiquement l’affaire. Le silence des autorités locales contraste avec la brutalité du message envoyé : à Macao aussi, la contestation politique semble désormais constituer un péril d’État.
Source principale : Le Monde, article d’Emma Barets publié le 13 août 2025.
Sources complémentaires : AP News, Human Rights Watch, Reuters, Wikipédia.