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Portrait de Philibert Delorme. Image : @Claudius Jacquand/Wikipedia

Quand l’architecte Lyonnais Philibert Delorme nous mêne sur les traces des Illuminés de Bavière

De la galerie Philibert Delorme à Lyon aux tentatives de création d’un « ordre français », Philibert Delorme, nous mêne sur la piste des Franc-maçons, des templiers et des Illuminées de Bavière.

Dans le Vieux-Lyon, en poussant une porte, on peut vite se retrouver devant de véritables chefs d’oeuvres, comme la Galerie Philibert Delorme, joyaux de la Renaissance Française située rue Juiverie, qui relie la place Saint-Paul à l’embranchement de la montée du Change et de la rue de la Loge. Celle-ci abritait la loge du Temple, un ancien établissement de Bourse, construit sur des plans de l’architecte Simon Gourdet entre 1631 et 1653 et remanié sous la direction de l’architecte francmaçon, Jacques-Germain Soufflot, en 1748-1750. Le bâtiment a ensuite été affecté en 1803 au Culte réformé, la principale Eglise protestante historique en France par Napoléon, qui a également réorganisé la franc-maçonnerie autour du Grand Orient de France, suscitant un engouement sans précédent, le nombre de loges passant de 300 à 1200 sous le Premier Empire. La rue de la juiverie doit quant à elle son nom, à la population juive qui résidait à cette endroit au Moyen-Age. C’est le roi Louis le Débonnaire qui aurait donné l’autorisation aux juifs de s’installer dans ce secteur de Lyon et de construire une synagogue, émettant notamment un arrêt en 1387.

Philibert Delorme un architecte Franc-Maçon ?

Né à Lyon aux alentours de 1514, Philibert Delorme est issu d’une famille de maître-maçons. Son père Jehan Delorme, aurait participé à la reconstruction de l’église des Carmes. Les premières loges de Franc-maçons serraient apparues en Ecosse en 1598, où des Templiers se seraient réfugiés après leur persécution. Ils y auraient noyauté les corporations des bâtisseurs de cathédrale. Toutefois, le procès en inquisition de Jacques de Molay, le dernier maître de l’Ordre du Temple et des derniers dignitaires de l’ordre qui furent brulés vifs sur le parvis de Notre-Dame de Paris, s’est déroulée le 18 mars 1314. Il se pourrait donc qu’entre temps d’autres réseaux Templiers se soient organisés ailleurs et notamment à Lyon, qui deviendra par la suite la capitale de l’ésotérisme et un haut lieu de la Franc-maçonnerie. Philibert Delorme était-il lui même franc maçon ? Il figure en tout cas sur le côté face d’une pièce de monnaie sur laquelle on retrouve au revers la Société Académique d’Architecture de Lyon, la plus ancienne société d’architectes français, liée à la Maçonnerie, par laquelle est passée Soufflot.

Dans le premier tome de son « Traité d’architecture », Philibert Delorme fait allusion au « Grand Architecte de l’Univers, Dieu tout puissant » qu’il évoque dans l’ « Épître aux lecteurs » et à la volonté duquel l’homme d’Église qu’il était se soumet. 

La galerie Philibert Delorme joyaux de la Renaissance Française

S’il a suivi les traces de son père, Philibert Delorme a rompu avec l’art gothique après un voyage à Rome de 1533 à 1536. Dans la ville éternelle, il a acquis un solide savoir technique et une bonne connaissance archéologique, côtoyant le milieu érudit et se liant d’amitié avec le cardinal, Jean du Bellay, ambassadeur de France à Rome, ainsi qu’avec le futur pape Jules III. Grâce à Jean du Bellay, Delorme a rencontré Antoine Bullioud, un marchand propriétaire de deux maisons voisines, qui lui a demandé de relier ces bâtiments situés au 8 rue Juiverie sans empiéter sur le sol de la cour. L’architecte a alors imaginé une galerie de liaison extérieure inspirée de la Renaissance italienne et de l’antiquité. La galerie Philibert De l’Orme, première construction en France à superposer les ordres antiques ionique et dorique, porte la marque distinctive de Delorme, qui a modifié les proportions de ces ordres en créant des pilastres ioniques élancés, rappelant l’apparence des pilastres doriques.

La Galerie Philibert Delorme. Photo : @Gnrc

Les tentatives de création d’un « ordre français »

Grâce à l’entremise de Jean du Bellay, Philibert Delorme a intégré la cour de François Ier, puis celle d’Henri II, où il a dirigé tous les grands chantiers français en tant que Surintendant des Bâtiments de 1545 à 1557. Parmi ses projets notables figure la construction du château de Fontainebleau. Delorme est également à l’origine de la première tentative de création d’un « ordre français » en architecture, avec les « colonnes françaises » qui présentent des tambours cannelés alternant avec des fûts non cannelés de diamètre supérieur.

La deuxième tentative de création d’un « ordre français » se matérialise avec les chapiteaux de la Galerie des Glaces du château de Versailles. Sous l’initiative de Charles Le Brun, ces chapiteaux arborent le lys de la monarchie et le coq gaulois, symboles distinctifs de l’identité française, mais le coq est aussi un animal célébré dans de très nombreuses cultures, comme en Chine, où il est considéré comme un méssagé des dieux capable de faire fuir les démons.

Le coq un symbole christique et maçonnique

Sur cairn.info, le franc-maçon Marc Fiszman raconte son initiation dans un lieu faiblement éclairé, où il a été abandonné parmi quantité d’objets divers. Parmi ces objets, il a remarqué des inscriptions sur lesquelles figurait un magnifique coq associé à la devise « vigilance et persévérance ». Fiszman confirme que le coq est présent dans la franc-maçonnerie et dans l’alchimie, domaines chers aux maçons, où il symbolise le dieu Mercure et la pierre philosophale.

Le maçon précise également que le coq est un symbole chrétien, incarnant « le Christ annonçant le jour nouveau de la foi », « la lumière et la fin des ténèbres ».

Fiszman évoque aussi la mythologie grecque, où Ares, dieu de la guerre et fils de Zeus et d’Héra, était l’amant d’Aphrodite, mariée à Héphaïstos. Il cite Lucien de Samosate né en 180 qui évoque cet adultère dans « Le songe », en attribuant à ces divinités des noms romains : « Toutes les fois que Mars allait voir Vénus, sa maîtresse, il demandait à un de ses fidèles compagnons, Alectryon (En grec ancien, Alektruwn signifie « coq ». NDLR.), de l’accompagner et de veiller à la porte pour le prévenir dès que paraîtrait le Soleil qui, s’il les surprenait, n’aurait pas manqué de prévenir Vulcain. Un jour, Alectryon s’étant endormi, le Soleil surprend Vénus et Mars reposant sans inquiétude, il va prévenir Vulcain qui enveloppe les deux amants dans des filets qu’il avait, depuis longtemps, préparés. Aussitôt délivré, Mars se met en colère contre son ami et, pour le punir, le change en oiseau qui porte encore sur la tête l’aigrette rouge de son casque. C’est depuis ce jour que le coq chante, longtemps avant le lever du Soleil, pour prévenir les amants de son apparition imminente.»

Les Illuminés de Bavière, une société secrète anticlérical vouant un culte à Arès le dieu de la guerre

Il est difficile de ne pas penser aux Illuminés de Bavière, une société secrète fondée à Ingolstadt en 1776 par Adam Weishaupt, qui vouait un culte à Arès et multipliait les références antiques. Issu d’une famille bourgeoise juive convertie au christianisme et élevé par les Jésuites, Weishaupt se faisait notamment surnommer Spartacus, en référence au chef des esclaves révoltés contre Rome. Les villes allemandes étaient également renommées en référence aux grandes cités de l’Antiquité, Munich devenant Athènes, Ingolstadt devenant Éleusis, et Ravensburg devenant Sparte. À l’origine, la secte des Illuminés ne réunissait que quelques élèves de Weishaupt, qui enseignait à la faculté de théologie d’Ingolstadt, malgré son profond anticléricalisme.

Elle connut toutefois un grand succès après avoir été ralliée par le baron Adolf von Knigge, philosophe des Lumières, qui avait été initié à la Stricte observance templière, une obédience maçonnique alors majoritaire en Allemagne et de tradition templière. La société trouva également un grand soutien avec le banquier Meyer Amschel Rothschild, qui finança généreusement l’ordre. Les Illuminés de Bavière ont synthétisé l’organisation de la Maçonnerie avec le système conçu par Weishaupt. La société secrète était organisée de manière pyramidale, avec Weishaupt portant le titre de « général », assisté par un « Conseil suprême » composé d’« aéropagites ». Les ordres mineurs ne connaissaient pas leurs supérieurs et n’avaient donc pas nécessairement connaissance de leurs desseins.

Les nouvelles recrues, les « Novices », devaient observer une période probatoire d’environ deux ans avant d’accéder au grade de « Minerval ». Ce terme pourrait faire référence au culte rendu à la déesse gréco-romaine de la sagesse, mais également à la ville de Minerve, située dans le Languedoc-Roussillon, qui fut l’épicentre de l’Hérésie Cathare, manichéenne, qui croyait en un dieu du bien et un dieu du mal.

Ainsi les explications de Marc Fiszman, semblent accrédités la thèse de l’abbé Augustin Barruel et bien d’autres comme Jean-Pierre-Louis de Luchet, Edouard Drumont ou Umberto Ecco, selon laquelle les Illuminés de Bavière ont noyauté la Maçonnerie avant la révolution Français et leur dissolution. Les Illuminés qui se réclamaient de la philosophie des Lumières, dont elle a constitué la mouvance la plus radicale, ont prospéré pendant une dizaine d’années avant que le Prince Charles-Théodore de Bavière n’édicte des édits visant à l’interdire. Weisaupt qui voulait renverser l’Eglise et les princes ambitionnait d’instaurer « un nouvel ordre mondial ».

Les Illuminés de Bavière et leurs liens avec les soyeux Lyonnais

Les Illuminés de Bavière auraient également saisi l’opportunité du grand Convent de Wilhelmsbad pour promouvoir leur orientation idéologique, visant à supprimer l’héritage templier et religieux au sein de la Maçonnerie, à la faveur du Rite Écossais Rectifié. Ce dernier fut finalement adopté avec l’appui de la délégation lyonnaise présente lors de ce rassemblement maçonnique européen, comprenant des figures telles que Jean-Baptiste Willermoz, Pasqually et Louis Claude de Saint-Martin.

Dans une interview accordée à LifeSiteNews, publiée le 9 mars dernier, Kyle Clement, assistant du Père Chad Ripperger, un exorciste renomé, a clairement affirmé l’incompatibilité de la franc-maçonnerie avec les doctrines de l’Église catholique. Il a également défendu la thèse selon laquelle la Maçonnerie serait une extension de l’Illuminati, détaillant les rapports historiques qu’à eu cette secte avec d’autres groupes religieux, notamment les protestants et les juifs. Il a évoqué les scandales sexuels qui ont eu lieu en 2017 au Vatican, impliquant le cardinal, Francesco Coccopalmerio, connu pour être proche de la Maçonnerie. La période de la Réforme est identifiée par le Père Chad Ripperger, comme un tournant décisif où la franc-maçonnerie a commencé à formaliser ses rituels, se moquant de la Messe catholique et intégrant des éléments de sorcellerie et de magie noire.

Ainsi, l’utilisation de la symbolique du coq, au sein de certaines obédiences de la Maçonnerie, est tout sauf anodine.

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