L’ancien présentateur de BFMTV, Rachid M’Barki, mis en examen le 8 décembre pour « corruption passive » et « abus de confiance » dans le cadre des soupçons d’ingérence étrangère a reconnu selon Le Parisien « avoir perçu de l’argent liquide pour diffuser des sujets orientés sur BFMTV ».
Admettant avoir accepté entre 6 000 et 8 000 euros pour orienter le contenu de ses reportages sur BFMTV, M’Barki a dévoilé une pratique qui, bien que scandaleuse, n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg dans l’industrie de l’information. Ces révélations, issues d’une enquête menée par la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE), ont mis en lumière un réseau plus vaste d’influence et de corruption impliquant journalistes et politiciens.
C’est une histoire qui pourrait rivaliser avec les intrigues les plus complexes des émissions de faits divers que M’Barki lui-même a autrefois présentées. L’enquête a révélé que M’Barki, loin d’être un simple observateur impartial des événements mondiaux, était en fait un acteur engagé dans la manipulation de l’information pour servir les intérêts de pays étrangers et d’entités privées. Des échanges entre M’Barki et le lobbyiste Jean-Pierre Duthion ont dévoilé un modus operandi où des textes et images étaient fournis au journaliste pour être intégrés dans ses bulletins d’information, souvent au dernier moment et parfois même avec des modifications spécifiques demandées par Duthion. Celui, ainsi que Nabil Ennasri, politologue du Qatar, ont également été mis en examen.
Plusieurs des séquences diffusées semblaient être conçues pour favoriser les intérêts de nations étrangères, en particulier le Qatar. Cela incluait des reportages soutenant la Coupe du Monde de football 2022 organisée par le Qatar, ainsi que des contenus critiquant les Émirats arabes unis, souvent perçus comme un rival régional de Doha.
L’ancien présentateur avait par exemple relayé des critiques ciblant la désignation d’un général émirati peu apprécié par le Qatar au sein d’Interpol. D’autres reportages semblaient viser à protéger les intérêts de particuliers, tels que des oligarques russes confrontés à la saisie de leurs yachts, ou à mettre en avant des lieux spécifiques comme un hôtel de luxe à Madagascar ou le port de Douala au Cameroun.
Ces investigations ont également révélé des communications inquiétantes entre Jean-Pierre Duthion et un représentant d’un cabinet de conseil britannique. L’objectif de ce dernier était d’orchestrer une campagne médiatique en France pour Karim Massimov, ancien Premier ministre du Kazakhstan et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial arrêté durant les manifestations violentes contre le régime.
Duthion proposait à son contact : « Pour 10 000 euros, une question sera posée à l’oral et à l’écrit lors de la commission des affaires étrangères, accompagnée de trois tweets d’un député. Pour 15 000 euros, le sujet sera couvert sur BFMTV ».
Trois mois après cet échange, le député écologiste du Rhône, Hubert Julien-Laferrière, attirait l’attention du Quai d’Orsay sur la situation de Massimov, connu pour ses actions répressives et d’espionnage contre les opposants politiques.
Dans son journal nocturne, Rachid M’Barki reprenait les propos du député. Lors de sa garde à vue et confronté à ces faits qui n’avaient pas été détectés lors de l’audit interne de BFMTV, M’Barki, submergé par l’émotion, a admis être manipulé, se considérant comme un élément involontaire dans cette machination. Hubert Julien-Laferrière, bénéficiant de l’immunité parlementaire, n’a pas encore été interrogé par les enquêteurs, mais il est suspecté, tout comme M’Barki, d’avoir reçu de l’argent de Duthion pour ses interventions, même si lui aussi ce dit manipuler. Le député du Rhône s’était toutefois montré particulièrement actif pour dénoncer la nomination du général émirati Ahmed Naser Al-Raisi à la tête d’Interpol, lorsqu’il était sous couleur LREM, multipliant par exemple les courriers au contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron.
Ce qui pousse un journaliste établi et respecté à compromettre son intégrité pour une somme d’argent qui semble dérisoire par rapport aux risques encourus reste un sujet de spéculation. Est-ce la pression d’une industrie exigeante, la tentation d’une récompense facile, ou quelque chose de plus personnel et complexe ? Quelles que soient les motivations, les conséquences de ces actions ont été rapides et impitoyables, avec M’Barki quittant son poste de présentateur et faisant face à des accusations graves. Désormais, le journaliste vit au Maroc, où il a retrouvé un emploi dans un groupe de médias.
Cette affaire dépasse la simple histoire d’un journaliste corrompu. Elle éclaire crûment les vulnérabilités d’un système médiatique où l’information peut être altérée pour répondre à des agendas cachés. Dans un monde où les médias jouent un rôle crucial dans la formation de l’opinion publique, de telles pratiques soulèvent des inquiétudes majeures sur la confiance que le public peut accorder à l’information qui lui est présentée.
Alors que l’enquête continue de dévoiler les couches de cette affaire de corruption, une question demeure : jusqu’où s’étend l’influence de ces réseaux occultes dans le paysage médiatique et politique français ? Les aveux de M’Barki ne sont peut-être que le début d’une série de révélations qui pourraient ébranler davantage la confiance dans les médias et les institutions.