La direction de France Télévisions a suscité une onde de choc au sein de sa rédaction après avoir annoncé une décision limitant temporairement les enquêtes journalistiques sur les figures politiques, dans l’optique des prochaines élections européennes du 9 juin. Alexandre Kara, directeur de l’information du groupe, a révélé cette mesure lors d’une communication interne qui s’est déroulée le 19 janvier, précisant que les magazines d’investigation tels que « Complément d’enquête », « Envoyé spécial », et « 13 h 15 » devraient mettre en pause leurs reportages sur les personnalités politiques françaises.
Cinq mois après les présidentielles françaises, Alexandre Kara a été désigné directeur de l’information par Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions, succédant à Laurent Guimier. Ce dernier avait fait l’objet de critiques pour ne pas avoir invité Emmanuel Macron et Marine Le Pen, les deux figures majeures de l’élection, sur le plateau de France 2 lors d’étapes importantes de la campagne. Parallèlement, Nathalie Saint-Cricq a été promue au rôle de « coordinatrice en charge des évolutions éditoriales de l’information », venant épauler Kara. Avant sa nomination comme directeur délégué des programmes en mars 2021, Alexandre Kara a exercé en tant que journaliste chez Paris Match et Europe 1.
Sa directive concernant les portraits politiques a été justifiée par un souci d’équité et de respect du pluralisme en période pré-électorale, a pour but de privilégier les formats de débat pour la couverture politique, selon les explications fournies par Kara lors d’une réunion avec la Société des journalistes (SDJ) de France Télévisions et durant un comité social et économique.
Cette décision a été accueillie avec scepticisme et inquiétude par les journalistes de France Télévisions, qui voient dans cette pause une potentielle menace pour la liberté d’investigation et une ouverture vers d’éventuelles restrictions futures plus sévères. Certains membres de la rédaction perçoivent cela comme un compromis risqué, susceptible de nuire à l’intégrité journalistique et de favoriser des pressions politiques accrues à l’avenir.
Les interrogations se multiplient également quant au timing de cette annonce, particulièrement parce qu’elle intervient juste avant la diffusion prévue d’enquêtes sensibles, notamment sur des figures de premier plan telles qu’Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, Rachida Dati, nouvelle ministre de la culture, et un portrait du premier ministre et Young Global Leader du Forum économique mondial, Gabriel Attal. Ce « moratoire », terme employé par Kara, semble ainsi remettre en question l’agenda éditorial du groupe public à un moment crucial de la vie politique française.
La décision de la direction de France Télévisions de suspendre les enquêtes sur les figures politiques en période pré-électorale soulève un débat fondamental sur l’équilibre entre le respect des règles de couverture politique et la mission d’investigation des médias, au cœur de la démocratie.