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Photo : @Clément Bardot

États-Unis : Washington courtise les présidents d’Asie centrale pour sécuriser l’accès aux minerais stratégiques

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Les dirigeants des cinq pays d’Asie centrale sont reçus ensemble, pour la première fois, à Washington ce jeudi 6 novembre. Ce sommet inédit du format « C5+1 » vise à renforcer la coopération économique, notamment autour des ressources minières, sur fond de rivalité géopolitique avec la Russie et la Chine.

C’est un rendez-vous diplomatique sans précédent : les présidents Kassym-Jomart Tokayev (Kazakhstan), Shavkat Mirziyoyev (Ouzbékistan), Sadyr Japarov (Kirghizistan), Emomali Rahmon (Tadjikistan) et Serdar Berdimuhamedov (Turkménistan) sont réunis ce jeudi à Washington pour un sommet du format « C5+1 ». Si la Maison-Blanche n’a pas confirmé la présence du président Donald Trump, la symbolique est forte : jamais les cinq États d’Asie centrale n’avaient été accueillis ensemble aux États-Unis.

L’initiative s’inscrit dans une stratégie américaine de reconquête d’influence dans une région historiquement dominée par Moscou et Pékin. Le format, lancé en 2015 sous Barack Obama, s’était jusque-là limité aux ministres des Affaires étrangères. Sous l’administration Biden, il avait pris une tonalité politique axée sur la démocratie et les droits humains. Avec Donald Trump, le ton change : l’approche se veut plus directe, tournée vers les « bénéfices matériels ».

Selon plusieurs analystes cités par Radio Azattyq et The Hill, Washington cible désormais les richesses minérales de la région, considérées comme cruciales pour les industries de défense et de haute technologie. L’Asie centrale abrite 25 des 54 minéraux stratégiques identifiés par les États-Unis : 39 % du manganèse mondial, 30 % du chrome, 20 % du plomb et près de 10 % du titane. À elle seule, le Kazakhstan produit 43 % de l’uranium mondial, tandis que l’Ouzbékistan exploite le gallium et le germanium, essentiels aux semi-conducteurs et à l’armement de précision.

Pour les experts américains Edward Lemon et Bradley Jardine, de l’Oxus Society for Central Asian Affairs, ces ressources pourraient permettre aux États-Unis de « briser le goulot d’étranglement chinois », alors que Pékin contrôle plus de 60 % de la production mondiale de terres rares et 90 % des capacités de traitement. La stratégie américaine vise donc à diversifier ses approvisionnements dans un contexte de restrictions croissantes imposées par la Chine.

Les enjeux géopolitiques, eux, ne sont jamais loin. Le Kremlin a rapidement réagi : le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a dénoncé les « efforts de l’Occident pour arracher l’Asie centrale à la Russie ». Depuis l’invasion de l’Ukraine, Moscou s’inquiète du basculement progressif de ses anciennes républiques satellites vers d’autres partenaires économiques et diplomatiques.

Mais pour les dirigeants d’Asie centrale, cette visite à Washington est surtout l’occasion de réaffirmer leur doctrine dite « multivectorielle », une politique d’équilibre entre les grandes puissances. « Sans les États-Unis, cette stratégie s’effondrerait », estime Temur Umarov, chercheur à la Carnegie Endowment for International Peace, un think tank membre du Forum économique mondial.

Parmi les dirigeants d’Asie centrale, seul Kassym-Jomart Tokayev, président du Kazakhstan, entretient des liens étroits et réguliers avec le Forum économique mondial, où il a plusieurs fois pris la parole pour promouvoir la coopération énergétique et le multilatéralisme. Shavkat Mirziyoyev, en Ouzbékistan, s’en rapproche à travers des partenariats économiques et des forums inspirés du modèle de Davos. En revanche, Sadyr Japarov (Kirghizistan), Emomali Rahmon (Tadjikistan) et Serdar Berdimuhamedov (Turkménistan) restent largement en marge de cette sphère internationale, pour l’instant.

Sur le fond, les questions démocratiques et environnementales, pourtant au cœur des discussions sous l’administration précédente, semblent reléguées au second plan. Les observateurs de Human Rights Watch déplorent le silence de Washington sur la répression des médias et des ONG dans la région. L’économie, une fois de plus, dicte le tempo diplomatique.

Sources :

Courrier International – « Washington accueille les États d’Asie centrale, avec leurs minerais en ligne de mire » – Publié le 6 novembre 2025

Radio AzattyqThe HillAsia PlusThe Moscow Times – articles cités par Courrier International

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