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De Gauche à droite : Steven Dolbeau - Directeur Associé - Anima Conseil ; Gillo Malpart - Président & co-fondateur - Mavana.earth ; Erwann Fangeat - Coordinateur technique Sobriété Numérique - ADEME ; Mélanie Le Dain - Chargé de Projet - Rasmussen Global ; Julia Delrieu - Référente Numérique Responsable et RSE - Digital League. Photo : @Greg Fiori

Sido Lyon 2025 : Comment évoquer un sourcing numérique souverain et responsable sans parler du génocide en RDC

Lors de l’édition 2025 du Sido , le salon dédié aux nouvelles technologies, une conférence a croisé souveraineté industrielle et sobriété numérique. Entre tensions géopolitiques, dépendances aux raffinages asiatiques et urgence de l’éco-conception, experts publics et privés ont esquissé une voie pragmatique : allonger la durée de vie, diversifier les chaînes d’approvisionnement et documenter l’empreinte sociale comme environnementale, sans parler du génocide au Congo lié aux « minerais de sang », avant que nous leur posions la question lorsque le micro a été tendu au public.

Modérée par Steven Dolbeau, directeur associé chez Anima Conseil, la conférence « Matières premières, composants électroniques : vers un sourcing numérique souverain et responsable ? » a rappelé une évidence trop souvent oubliée du débat digital : le cloud, l’IA, la 5G, l’IoT et la robotique s’appuient sur une base éminemment physique, celle des métaux et des composants. Erwan Fangeat (ADEME) a posé le diagnostic sans fard : l’épuisement des ressources minérales et métalliques domine l’empreinte du numérique. Un smartphone agrège déjà plusieurs dizaines de métaux ; et sur 25 matières étudiées par l’agence, la Chine est premier producteur pour la majorité et quasi monopole sur les terres rares. Derrière la « magie » logicielle, les procédés d’extraction et de raffinage demeurent polluants, peu transparents, et porteurs d’enjeux sociaux considérables.

Mélanie Le Dain, Chargé de Projet chez Rasmussen Global, forte d’un passage à la DGE, a illustré l’opacité des chaînes de valeur : au pic des restrictions chinoises sur le gallium et le germanium en 2023, des industriels européens incapables de tracer leurs volumes, leurs N-2 et N-3, se croyaient protégés par un fournisseur allemand… lui-même adossé au raffinage chinois. D’où l’intérêt supposée du Critical Raw Materials Act européen, qui fixe des caps à 2030 (10 % d’extraction, 25 % de recyclage, 40 % de transformation dans l’UE) et la montée en puissance d’accords bilatéraux avec des pays riches en ressources mais alignés sur des standards ESG. Le Drain a évoqué l’annonce par Emmanuel Macron d’un grand plan de ressources minières doté d’une enveloppe de 50 millions. À court terme, la relance minière nationale reste lente et socialement sensible, selon elle. Entre permis, concertations et CAPEX, dix à quinze ans séparent souvent annonce et production, a-t-elle rappelé.

Pour Julia Delrieu (Digital League), l’enjeu est aussi culturel chez les éditeurs et utilisateurs : la « matérialité » du numérique reste abstraite et le débat se focalise sur le seul CO₂. Or le premier levier est la longévité des équipements, loin de la course aux puces dernier cri. Maintenir les parcs, passer du « tout-neuf » à une ingénierie de durabilité devient selon elle, un avantage économique avant même d’être écologique. Sur le terrain, des acteurs locaux prolongent la vie des serveurs et postes, sans dégrader l’expérience utilisateur, et gagnent surtout sur le TCO. Cette « slow tech » assumée réduit mécaniquement la pression sur les métaux critiques, même si le message n’est pas toujours facile à faire passer comme Julia Delrieu l’a expliqué.

Gillo Malpart de la société Mavana.earth nous a expliqué alimenté des agences comme l’ADEM en données. Cela permet de relier procédés, flux de matières et d’énergie, transport, assemblage et fin de vie, jusqu’à révéler des vulnérabilités logistiques aussi concrètes qu’un passage par le canal de Suez. Avec son entreprise il propose également des solutions. Il nous a par exemple expliqué que l’éco-conception, d’abord, consiste à alléger les masses, choisir des alliages disponibles localement et limiter les composants superflus. Viennent ensuite le reconditionnement et le remanufacturing, où des industriels démontent, testent et réassemblent leurs propres matériels pour remettre en service des équipements performants à moindre coût. Dans certains cas, le coût total d’un produit « re-manufacturé » chute de moitié ou davantage, tout en sécurisant l’approvisionnement. Le recyclage n’arrive qu’en dernier ressort : moins d’une dizaine de métaux des équipements numériques se récupèrent bien à l’échelle, et le recyclage « boucle fermée » vers l’électronique reste minoritaire.

Les intervenants sont unanimes, face aux chocs commerciaux et géopolitiques, la diversification s’impose. Les hausses tarifaires sur les importations chinoises ont poussé des fabricants à dédoubler leurs chaînes, à assembler en Europe ou en Amérique latine et à régionaliser antennes et sous-ensembles. Ce mouvement, contraint à court terme, tisserait une souveraineté plus résiliente à moyen terme. En parallèle, les référentiels progressent comme nous l’a expliqué Erwan Fangeat de l’ADEME. Il a annoncé un règlement dédié à l’IoT pour l’éco-conception des équipements électroniques, et des financements régionaux ou le recours à France 2030 pour accélérer l’innovation frugale.

Le génocide en RDC

À l’issue de la conférence, le micro a été tendu dans la foule et nous avons fait remarquer aux intervenants qu’ils avaient évoqué parlé pendant une heure d’un sourcing numérique souverain et responsable sans parler du génocide en RDC, alors que la guerre soutenue par le Rwanda devenu principal exportateur de minerais rares, en pillant la RDC est devenu le principal exportateur de minerai rares Congolais, comme nous l’avait précisé en début de Salon, Pierre, un militant antimilitariste qui manifestait devant le SIDO, mercredi matin pour dénoncer le fait que ce salon, ait comme principal partenaire STMicrolectronique, une multinationale franco-italienne qui conçoit, fabrique et commercialise des puces électroniques liées à des théâtres de guerre.

Les intervenants ont reconnu ce manque. Gillo Malpart a précisé qu’en RDC, des conflits armés liés aux métaux stratégiques (cobalt, coltan, etc.) durent depuis près de 30 ans, avec une estimation de plus de 6 millions de morts. Il a admis que le sujet avait été insuffisamment traité dans les discussions techniques et renvoyé vers des acteurs associatifs comme Génération Lumière, une association écologiste et de solidarité internationale agissant pour la justice environnementale dans la région des Grands Lacs africains et en France.

Julia Delrieu a cité un exemple emblématique, celui de l’association, Point de Mire, qui avait mis en lumière un cas problématique lié à un contrat d’approvisionnement signé par l’Union européenne pour un matériau stratégique. Par erreur, le contrat aurait été passé avec le « mauvais » pays africain, le « Rwanda », selon Gillo Malpart. Cette confusion a eu de lourdes conséquences : le pays bénéficiaire du contrat, le Rwanda qui ne produit pas de Cobalt, aurait selon l’ONG, déclenché un conflit armé avec son voisin afin de s’emparer des matériaux demandés dans le cadre de cette commande publique européenne. Selon elle, l’UE a donc involontairement contribué à alimenter un conflit pour sécuriser ses approvisionnements.

Julia Delrieu a souligné l’importance de mieux connaître l’origine des matériaux et de renforcer la précision des politiques d’achat des entreprises. Elle a rappelé que certains labels existent, mentionnant ceux de l’ADEME, pour apporter de la transparence, mais que ces dispositifs restent imparfaits compte tenu de la complexité des chaînes d’approvisionnement. Elle a cité l’exemple de Fairphone, pourtant reconnu comme le téléphone le plus « éthique » qui reconnaît ne pas pouvoir garantir que toutes ses mines d’approvisionnement soient irréprochables. Selon elle, la pression des consommateurs, qu’ils soient particuliers ou entreprises, joue donc un rôle essentiel pour pousser les acteurs économiques vers plus de responsabilité.

Le modérateur a quant à lui rejeté la faute sur le consommateur qui « est content d’avoir son smartphone ». « On ne se pose pas trop de question, pour savoir d’où ça vient. »

Erwann Fangeat, coordinateur technique Sobriété Numérique de l’ADEME a souligné qu’en plus de travailler sur des ACV (Analyse du Cycle de vie) environnementales, son agence travaillait sur une ACV sociale (Analyse du Cycle de Vie sociale), une méthode d’évaluation qui permet de mesurer les impacts sociaux et sociétaux pour éclairer les décisions.

Entretien avec Mélanie Le Dain de Rasmussen Globale

À la fin de la conférence nous avons pu nous entretenir avec Mélanie Le Dain, qui a souligne les fragilités des chaînes de valeur mondiales, souvent dominées par la Chine, et insisté sur l’importance d’un sourcing plus responsable et souverain pour l’Europe. Elle concède que la transition énergétique est exigeante en matières minérales et que cela soulève des problématiques environnementales et humaines. Nous lui avons alors parlé d’une rumeur qui a circulé sur les réseaux sociaux liant les incendies de forêt à des zones concernées par des projets d’extraction minière en partenariat avec l’Union européenne, mais la chef de projet de Rasmussen n’en a pas entendu parlé.

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