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Sanae Takaichi. Photo : @首相官邸 (PMO)

Sanae Takaichi : la future Première ministre japonaise qui inquiète déjà Pékin

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Élue à la tête du Parti libéral-démocrate, la nationaliste Sanae Takaichi s’apprête à devenir la première femme à diriger le Japon. Connue pour ses positions droitières, son révisionnisme historique et son soutien affirmé à Taïwan, elle cristallise les craintes de Pékin, qui redoute une dégradation des relations sino-japonaises.

À peine élue à la tête du Parti libéral-démocrate (PLD), Sanae Takaichi n’est pas encore Première ministre que déjà la Chine s’en alarme. Samedi 4 octobre, la politicienne de 63 ans, proche de la droite nationaliste japonaise, a remporté la direction du parti au pouvoir, ouvrant la voie à son accession prochaine à la tête du gouvernement. Une première historique pour une femme au Japon, mais surtout une source de fortes inquiétudes à Pékin.

Dans un éditorial au ton offensif, le Jiefang Ribao — organe du Parti communiste chinois — accuse Takaichi d’avoir “dénigré la Chine à plusieurs reprises” et d’incarner la continuité idéologique de Shinzo Abe, son mentor politique assassiné en 2022. Surnommée “la version féminine d’Abe”, elle partage en effet avec lui une vision conservatrice de la politique étrangère et une lecture controversée de l’histoire. Selon Pékin, sa conception de l’invasion de la Mandchourie de 1931 comme une ‘guerre d’autodéfense’ illustre une volonté de réhabiliter certains épisodes du militarisme japonais.

Le sujet le plus explosif reste celui du sanctuaire Yasukuni, lieu de mémoire nationaliste dédié aux soldats japonais morts au combat, dont plus d’un millier furent condamnés pour crimes de guerre. D’après le média chinois Jimu Xinwen, Takaichi s’y est rendue onze fois entre 2014 et 2025, un geste perçu à Pékin comme une provocation diplomatique. “La probable arrivée de Takaichi au pouvoir augure le début d’un cauchemar diplomatique”, avertit Lin Quanzhong, expert taïwanais en politique internationale, cité sur WeChat.

Les motifs d’inquiétude s’accumulent : question de Taïwan, différends territoriaux autour des îles Senkaku/Diaoyu, et mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Pour la Chine, ces trois “lignes rouges” pourraient être franchies par la future Première ministre. En avril dernier, Takaichi s’était rendue à Taipei pour rencontrer le président Lai Ching-te, affirmant que “défendre Taïwan revient à défendre le monde libre”. Elle a même proposé d’intégrer la stabilité du détroit de Taïwan dans la stratégie de sécurité nationale japonaise, ce qui reviendrait à faire de la question taïwanaise un enjeu de défense intérieure. Une ligne rouge diplomatique que Pékin ne cesse de marteler.

Sur les réseaux chinois, les critiques sont virulentes. Hu Xijin, ancien rédacteur en chef du très nationaliste Huanqiu Shibao, estime que “Takaichi incarne tout ce que les Chinois détestent chez les politiciens japonais : négation du massacre de Nankin, volonté de réviser la Constitution pacifiste, militarisation croissante”. Il la décrit comme “la Japonaise la plus détestée en Chine”. Non sans provocation, il ajoute : “Qu’elle ose aller jusqu’au bout de ses convictions, on verra bien jusqu’où elle peut aller.”

Les observateurs japonais, eux, s’interrogent sur la marge de manœuvre réelle de Takaichi une fois au pouvoir. Si ses positions idéologiques sont connues, son pragmatisme politique reste à prouver. Pékin, qui multiplie déjà les avertissements diplomatiques, pourrait tester dès les premiers mois de son mandat la solidité de la nouvelle cheffe du gouvernement nippon — sur Taïwan, les Senkaku ou la défense régionale.

Dans un contexte de tensions exacerbées en Asie-Pacifique, l’arrivée d’une dirigeante aussi affirmée que Sanae Takaichi risque d’accentuer la rivalité stratégique entre Tokyo, Pékin et Washington. Entre mémoire historique, sécurité régionale et ambition nationale, la future Première ministre japonaise semble prête à redéfinir la ligne diplomatique du Japon — quitte à réveiller les fantômes du passé.

Sources :
Courrier international – “Pas encore au pouvoir, la Japonaise Sanae Takaichi inquiète déjà Pékin” – 7 octobre 2025 – https://www.courrierinternational.com
Jiefang Ribao (Quotidien de la libération) – “Sanae Takaichi, la version féminine de Shinzo Abe” – 4 octobre 2025
Huanqiu Shibao – “Takaichi et la dérive militariste japonaise” – 6 octobre 2025

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