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Paetongtarn Shinawatra. Photo : DR

Thaïlande : la destitution de Paetongtarn Shinawatra replonge le pays dans une crise politique

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Un an seulement après son arrivée au pouvoir, la première ministre Paetongtarn Shinawatra a été démise par la Cour constitutionnelle pour manquement éthique. Ce nouveau revers frappe une fois encore la dynastie politique Shinawatra et ouvre une période d’incertitude dans un royaume marqué par les coups d’État et les interventions judiciaires.

Le destin politique de Paetongtarn Shinawatra aura été aussi fulgurant qu’éphémère. À 39 ans, la plus jeune cheffe de gouvernement de l’histoire thaïlandaise a été destituée vendredi 29 août par la Cour constitutionnelle, après avoir été reconnue coupable d’avoir enfreint des règles d’éthique. La décision, votée par six juges contre trois, survient dans un climat de tensions accrues, alors que le pays est confronté à un différend frontalier avec le Cambodge.

Cette éviction, la cinquième en dix-sept ans pour un chef de gouvernement thaïlandais, illustre la fragilité chronique des institutions du royaume, où l’armée et les élites conservatrices exercent une influence déterminante. Pour Paetongtarn, le point de bascule est survenu en juin, lorsqu’une conversation privée avec l’ancien premier ministre cambodgien Hun Sen a fuité. Son ton jugé conciliant et ses propos critiques envers un général thaïlandais ont été interprétés comme une faute grave par ses adversaires.

Paetongtarn n’est pas la première de sa lignée à être renversée. Son père, Thaksin Shinawatra, milliardaire et ancien premier ministre, avait été chassé du pouvoir par un coup d’État militaire en 2006. Sa tante Yingluck fut destituée en 2014, suivie par un putsch quelques mois plus tard. Même son beau-frère, Somchai Wongsawat, avait dû céder son poste en 2008. Depuis deux décennies, la famille Shinawatra reste au cœur d’un affrontement entre un camp populiste, appuyé par les classes défavorisées et incarné par le parti Pheu Thai, et un establishment militaro-conservateur déterminé à limiter son influence.

L’épisode actuel s’inscrit dans une séquence de forte instabilité. Le parti progressiste Move Forward, vainqueur des législatives de 2023, a été dissous par la justice avant de renaître sous un autre nom, le Parti du peuple. Face à cette menace réformatrice, un compromis fragile avait permis le retour d’exil de Thaksin et la constitution d’une coalition entre le Pheu Thai et d’anciens alliés des militaires. Mais ce pacte opportuniste s’effrite à mesure que les juges et l’armée reprennent la main.

Pour l’analyste Purawich Watanasukh, de l’université Thammasat, la destitution de Paetongtarn marque « l’un des tournants les plus importants de la politique thaïlandaise depuis plus de vingt ans ». Selon lui, il pourrait s’agir du début de la fin pour la dynastie Shinawatra et pour le Pheu Thai, toujours étroitement liés à la figure de Thaksin.

Le Parlement doit désormais désigner un nouveau premier ministre lors d’une session extraordinaire prévue du 3 au 5 septembre. Parmi les candidats encore en lice figure Chaikasem Nitisiri, vétéran du Pheu Thai âgé de 77 ans, présenté comme favori malgré ses limites physiques. Certains évoquent aussi le général Prayuth Chan-o-cha, auteur du putsch de 2014, mais sa forte impopularité rend son retour peu probable.

Dans un pays qui a connu plus de dix coups d’État depuis 1932, ce nouvel épisode confirme que la stabilité politique en Thaïlande reste fragile, tiraillée entre ambitions démocratiques, poids de l’armée et fractures sociales profondes.

Source :

Le Monde – Thaïlande : la destitution de la première ministre Paetongtarn Shinawatra plonge à nouveau le royaume dans l’incertitude – lien

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