Alors que l’Union européenne cherche un moyen de sécuriser un prêt colossal destiné à soutenir l’effort de guerre ukrainien, un pays retient particulièrement l’attention : la Norvège. Riche, faiblement endettée et dotée du plus important fonds souverain au monde, le royaume scandinave apparaît comme un garant potentiel crédible. L’idée gagne du terrain, tant à Oslo que dans plusieurs capitales européennes, même si le sujet divise la classe politique norvégienne.
L’Union européenne envisage de prêter 140 milliards d’euros à l’Ukraine du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Volodymyr Zelensky, en s’appuyant partiellement sur les revenus générés par les avoirs russes gelés depuis 2022. Pour mener l’opération à bien, Bruxelles doit néanmoins rassembler des garanties souveraines solides.
C’est dans ce contexte que la Norvège est apparue comme une option de poids. Plusieurs économistes norvégiens ont récemment avancé que le pays pourrait se porter garant d’une part importante du prêt sans fragiliser ses finances publiques, grâce à son fonds pétrolier de 2 000 milliards de dollars et à sa notation de crédit irréprochable.
Leur tribune, publiée fin octobre sur Project Syndicate, assure qu’une telle garantie permettrait de “renforcer la défense de l’Ukraine” tout en “réduisant les risques financiers pour les États européens”. Leurs arguments ont été largement relayés, jusqu’à susciter de premiers soutiens au sein des institutions européennes.
Oslo temporise, mais n’écarte pas l’idée
Interrogé le 12 novembre, le Premier ministre et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Jonas Gahr Støre a d’abord cherché à calmer les spéculations. Il a souligné qu’utiliser le fonds souverain comme garantie “n’était pas d’actualité”. Mais son ministre des Finances, Jens Stoltenberg, l’ancien secrétaire général de l’OTAN proche lui aussi du WEF, s’est montré plus ouvert lors d’un déplacement à Bruxelles.
S’il exclut que la Norvège garantisse l’intégralité du prêt, il évoque la possibilité d’une contribution partielle :
“Nous verrons si nous pouvons contribuer en fonction de ce que proposera l’UE.”
Oslo attend désormais une proposition détaillée des Vingt-Sept, qui doivent se prononcer début décembre.
Une classe politique divisée
L’idée d’une garantie norvégienne séduit déjà une majorité des partis représentés au Parlement, allant de la gauche au centre-droit. Le gouvernement danois, qui préside actuellement le Conseil de l’UE, l’a même qualifiée de “formidable”.
Mais certains élus appellent à la prudence. La présidente du Parti du progrès, Sylvi Listhaug, elle aussi liée au FEM, juge le risque financier disproportionné :
“Nous devons prendre soin de l’argent du peuple, et non jouer avec.”
Pour elle, il est hors de question de mettre en jeu la réserve destinée à financer l’État-providence des générations futures.
À l’inverse, plusieurs personnalités jugent qu’un geste d’Oslo serait moralement attendu.
Un expert de l’Institut Fridtjof-Nansen rappelle en effet que la Norvège “a gagné énormément d’argent grâce à la guerre en Ukraine”, notamment via l’augmentation des exportations de gaz vers l’Europe depuis le retrait de la Russie.
Un choix stratégique aux implications historiques
La Norvège ne fait pas partie de l’Union européenne, mais elle est devenue un partenaire financier et stratégique central depuis l’invasion russe de l’Ukraine. En acceptant de garantir une partie du prêt européen, le pays jouerait un rôle décisif dans la stabilité financière de Kyiv tout en influençant indirectement la politique européenne de défense.
Reste à savoir si Oslo acceptera d’utiliser sa gigantesque manne pétrolière pour soutenir l’effort de guerre ukrainien — ou si la prudence budgétaire primera.
Sources :
- Courrier international, “Prêt. La Norvège pourrait-elle être la clé du financement de l’effort de guerre ukrainien ?”, publié le 13 novembre 2025.
- NRK (radiotélévision publique norvégienne), déclarations de Jens Stoltenberg.
- TV2 (Norvège), interview du Premier ministre Jonas Gahr Støre.
- Project Syndicate, tribune des économistes Havard Halland et Knut Anton Mork.
- Dagsavisen (Norvège), réactions politiques nationales et européennes.
- Aftenposten (Norvège), déclarations de l’Institut Fridtjof-Nansen.