Parti d’un scandale sanitaire, le mouvement GenZ212 mobilise des milliers de jeunes Marocains depuis quatre jours. De Rabat à Oujda, les protestations contre la corruption et les inégalités ont dégénéré en heurts violents avec les forces de l’ordre.
Les images ont fait le tour des réseaux sociaux. À Oujda, un fourgon de police percute un jeune manifestant avant de poursuivre sa route, gyrophares allumés. L’incident, filmé en pleine mobilisation, illustre la brutalité des affrontements qui secouent le Maroc depuis le 28 septembre. Dans cette ville de l’est du pays, proche de la frontière algérienne, comme à Inezgane, Beni Mellal, Errachidia ou Témara, les heurts se multiplient. Jets de pierres, incendies de barrières et affrontements directs avec les forces de l’ordre témoignent de l’ampleur de la colère.
Ces manifestations, coordonnées par le collectif GenZ212 via la plateforme Discord, rassemblent une jeunesse marocaine sans encadrement politique, mais déterminée à dénoncer des injustices structurelles. Le mouvement a explosé en quelques heures : de 55 000 membres, la communauté en ligne est passée à 125 000 en une journée. Les slogans scandés dans les cortèges, « La santé d’abord, on ne veut pas de Coupe du monde », ou encore « Liberté, dignité, justice sociale », résonnent dans tout le pays.
À l’origine de cette mobilisation inédite, un drame sanitaire : la mort de huit femmes enceintes en août dernier, après des césariennes à l’hôpital Hassan-II d’Agadir. Un symbole d’un système de santé à bout de souffle, où le Maroc ne compte que 7,7 professionnels pour 10 000 habitants, selon l’OMS, loin des standards internationaux. Ce scandale a cristallisé un sentiment d’abandon, accentué par les milliards investis dans l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations en décembre et de la Coupe du monde de 2030.
Face à cette contestation, les autorités ont réagi par une répression rapide. Plusieurs centaines de personnes ont été interpellées, certains arrêtés avec leurs enfants sous les yeux des caméras. À Casablanca, 18 jeunes ont été incarcérés pour avoir bloqué une autoroute et « consommé de la drogue ». À Rabat comme à Marrakech, les principaux lieux de rassemblement sont désormais quadrillés par les forces de l’ordre. Amnesty International a exhorté le gouvernement à éviter « tout recours illégal ou excessif à la force ».
Politiquement, l’exécutif tente de calmer la colère. Le Premier ministre Aziz Akhannouch promet une « écoute attentive » et privilégie la voie du dialogue. L’opposition islamiste, incarnée par Abdelilah Benkirane (PJD), met en garde contre un « chaos sécuritaire » tout en réclamant la libération des jeunes détenus. Dans un pays marqué par une tradition de contestation rapidement étouffée, l’émergence d’une génération connectée, sans affiliation politique déclarée, redéfinit les lignes du rapport de force.
Sources :
Le Monde – 1 octobre 2025 – lien
AFP – 1 octobre 2025 – lien
MAP (Maghreb Arabe Presse) – 30 septembre 2025 – lien
Amnesty International – communiqué, 30 septembre 2025 – lien