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Photo : @Grégory Fiori

Lyon : La Commémoration de la Rafle de la Rue Sainte-Catherine symbole des ravages de l’antisémitisme et des dérives de notre époque

Une cérémonie s’est déroulée dans la matinée du 11 février pour commémorer la tragique Rafle de la Rue Sainte-Catherine, survenue le 9 février 1943, 81 ans après. Si l’émotion était palpable et légitime après la terrible attaque du Hamas du 7 octobre et le décès de Robert Badinter, certains propos, notamment ceux de Serge Klarsfeld, qui n’était pas physiquement présent, mais ont été lu par le délégué régional des Fils et filles de déportés juifs de France, Jean Lévy, faisaient froid dans le dos.

La rue Sainte-Catherine, située au pied des pentes de la Croix-Rousse, fut le théâtre d’une sombre page de l’histoire, lorsque la Gestapo de Klaus Barbie organisa une souricière le 9 février 1943, arrêtant et déportant ainsi 86 juifs, dont Simon Badinter, le père de l’ancien ministre de la Justice, Robert Badinter, décédé vendredi dernier à l’âge de 95 ans. Ils ont été conduit au camp de Drancy avant d’être envoyés dans des camps d’extermination nazis. Seules trois personnes ont survécu à cette déportation.

Le 12 de la rue Sainte-Catherine abritait alors la Fédération des sociétés juives de France et le comité d’assistance aux réfugiés, qui aidait les Juifs en difficulté en leur fournissant des logements, des faux papiers et des contacts pour fuir à l’étranger.

La rafle de la rue Sainte-Catherine, a été organisée par la Gestapo dirigée par le « boucher de Lyon », Klaus Barbie. En juin 1983, Serge Klarsfeld, le « chasseur de nazis », qui est à l’origine de l’arrestation de Barbie a consulté les archives de l’UGIF à l’Institute for Jewish Research de New York. Il réussira à établir la liste des déportés de la rue Sainte-Catherine, notamment en analysant la liste des personnes entrées dans le camp de Drancy le 12 février. L’ordre signé de la main de Klaus Barbie fut ensuite retrouvé et cette rafle a été l’un des actes instruits au cours du procès Barbie en 1987. Le boucher de Lyon sera condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Dimanche matin, une cérémonie émouvante a eu lieu rue Sainte Catherine pour honorer la mémoire des victimes. Une minute de silence a également été observée pour honorer la mémoire de l’ancien ministre de la Justice de François Mitterand.

Étaient présents, Grégory Doucet, le maire de Lyon, Yasmine Bouagga, la maire du premier arrondissement, Jean-Olivier Viout , qui était l’adjoint au procureur général Pierre Truche, lors du procès Barbie, Myriam Picot, présidente de la Licra, Jean Lévy, délégué régional des Fils et filles de déportés juifs de France, de Richard Zelmati, président régional du Crif, le rabbin de Lyon et Myriam Badinter-del Vecchio, nièce de l’ancien ministre de la Justice Robert Badinter.

Richard Zelmati a rappelé que c’est à l’initiative de son prédécesseur Alain Jacubowicz, de Serge Klarsfeld, de Jean Lévy, de Giles Buna, l’ancien maire du premier et de l’ancien maire Franc maçon de Lyon, Gérard Collomb, qu’a été officialisé une journée de commémoration en hommage aux victimes du 12 rue Sainte-Catherine. Grégory Doucet a rappelé que c’est lui, avec l’assentiment de son prédécesseur qui a décidé d’installer une plaque à l’endroit de cette funeste adresse.

Richard Zelmati, président régional du Crif a comparé le « 12 rue Sainte-Catehrine », à « un phare dans la nuit nazi, un lieu de fraternité et d’entraide », expliquant que « Lyon a été une ville refuge, véritable arche des juifs d’Europe », « durant cette période noir de l’occupation », où sont passés près de « 40 000 juifs, tentant de fuir les persécutions ». « Il suffit de regarder les lieux de naissance des suppliciés de la rue Sainte-Catehrine pour s’en convaincre ».

Zelmati a cité l’exemple d’Israël Depelrom, « assassiné à Sodibor le 30 mars 1943 », né en Palestine. « Certains comprendront que l’on pouvait est né en Palestine et s’appeler Israël. »

Il a raconté une anecdote poignante, expliquant que dans le wagon à bestiaux qui emportait les juifs raflés vers leur tragique destin, un déporté décida de scier une planche tout en chantant la Marseillaise pour couvrir le bruit. Une personne fut alors prise d’une crise de panique et c’est Simon Badinter, selon Zelmati, qui est venu calmé le malheureux.

Selon le président régional du Crif, c’est le 9 février 1943, que « Robert Badinter entrera avec brutalité dans l’âge adulte et qu’il a enraciné en lui, la douleur d’un crime innommable, le crime des crimes, qu’est le crime contre l’humanité ».

Il a également évoqué l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023 : « Les morts nous regardent pour faire face au retour des progroms, des bourreaux aujourd’hui, islamistes qui ont défiguré l’humanité, lors de ce Chabat 2023 sur la terre d’Israël ». « Les morts nous écoutent et attendent le message universel de la France », « terre qui fut la promesse trahie par Vichy, d’avoir simplement le droit de vivre, terre sur laquelle, chose que l’on croyait impensable au sortir de la guerre, on continue d’être assassiné pour le simple fait d’être juif. France dans laquelle depuis le 7 octobre 2023, les actes antisémites ont augmenté de 1000 % ».

Zelmati a rappelé que Robert Badinter avait promis de venir régulièrement à la commémoration de la rafle de la rue sainte Catherine, en restant dans la foule « en silence ». « Mais en février 2015 après son discours le 11 janvier 2015 (lors « marches républicaines », un ensemble de rassemblements qui se sont déroulés en France suis aux attaques djihadistes des 7, 8 et 9 janvier 2015 NDLR.), Robert Badinter est venu nous réveiller. Pressé par une impérieuse obligation, il a décidé de rompre son silence, il nous a rappelé à nos devoir comparant l’antisémitisme qui a tué ici, à celui qui tue encore aujourd’hui et son message ne saurait être compris et entendu autrement que comme un testament ».

Le président régional du Crif a ensuite récité un passage choisi du discours de Badinter déclamé Rue Sainte-Catherine : « On pourrait croire que l’antisémitisme de violence avait couler dans le torrent de sang versé pandant la Shoah, s’était un leur ». Badinter a fait référence a Mohammed Merrah, refusant de le nommer, qui dans « le lycée juif de Toulouse » a poursuivit « une petite fille juive de 7 ans », « lui logeant à bout portant une balle dans la tête ». Selon Badinter, il a ainsi réitéré « l’acte des SS, liquidant les juifs dans les ghettos de l’Europe occupée ». « En réalisant leurs forfaits ces assassins commettent aussi la pire offense à la religion musulmane dont ils osent se réclamer et qui est selon certains théologiens musulmans source de paix. La vérité est simple, ce sont des barbares, comme leurs prédécesseurs nazi (…) Pour notre part, citoyens juifs de France, attachés indéfectiblement aux valeurs de la République au nom de tous nos martyrs, nous lutterons sans trêve et par tous les moyens que la loi nous donne, contre le racisme et l’antisémitisme, cette plèvre de l’humanité ».

Zelmati a appelé son auditoire ne pas renier « le testament que nous a laissé Robert Badinter ».

Jean Lévy a déclamé un message de Serge Klarsfeld, qui n’avait pas pu se déplacer pour cause de maladie. Comme souvent le « chasseur de nazi » a fait allusion au général de Gaules et a rappelé que le père de Robert Badinter a été arrêté « 81 ans, jours pour jours, avant la mort de son fils ». Il a présenté Badinter comme « un défenseur des principes humanistes », le qualifiant « d’homme du siècle », reprenant les mots d’Emmanuel Macron. Serge Klarsfeld a également soutenu la volonté du chef de l’Etat français et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron, de faire de l’instruction civique, la pierre angulaire de l’école. « L’Éducation civique doit être au coeur des missions de l’école républicaine de chacun, pour défendre les principes qui font la France », a déclaré Klarsfeld, qui souhaite que « Dès le plus jeune âge », les français acquiert, « le sentiment d’appartenir pleinement à la communauté nationale, pour que chacun prêne conscience des droits et des devoirs s’y attachant, des comportements et des règles communes qu’elle implique ».

Klarsfeld s’est également félicité de l’hommage solennel organisé par Emmanuel Macron en l’honneur des victimes françaises de l’attaque du 7 octobre perpétré par le Hamas, « ce véritable pogrome qui a replongé au 20e siècle, les survivants de la Shoah que nous sommes ».

Comparant « l’antisémitisme » a « une maladie qui ne cesse de se répandre », Serge Klarsfeld témoignant du fait que certains vieillissent moins bien que d’autres, a ensuite dérivé dans un discours complètement réactionnaire et flippant évoquant ceux qui « pour des raisons raciales » s’en prennent à l’argent des juifs, « soutenu par une opinion publique arabo-musulmane véhémente, par une extreme gauche nourrie depuis les années 50, par la propagande communiste, par les étudiants de nombreuses universités occidentales ambitieux de se trouver un ennemi valorisant comme en 1968 et qui probablement deviendront plus tard des notables respectueux des valeurs occidentales, mais aussi par les opinions publics voyant en Israel en substitut des états-unis, qu’il aborent et en même temps, dans lequel, ils rêvent de s’installer ».

Klarsfeld a appelé les « Juifs et non juifs » à « résister à cette volonté de détruite l’Etat d’Israel et de soutenir la politique de la France et de l’occident d’être attaché à l’existence de cet état dont les juifs ont été privé durant 19 siècle », alors que durant des décennies, la ligne diplomatique de la France prônait une solution à deux Etats. Le « chasseur de nazi » a fait allusion à l’Iran dont l’ayatollah a déclaré qu’il était prêt à utiliser l’arme nucléaire contre Israel.

« David est toujours David et Goliath reste toujours Goliath. Ce Goliath dont le prolongement à Lyon était Klauss Barbie », est désormais, selon lui, « l’islamisme radicale, et l’application de cette idéologie ». « Mais les démocraties dans leur ensemble on agit contre Hitler et elles agiront probablement ensemble contre cet islam radical qui menace la paix du monde. Aujourd’hui, elles doivent laisser Israel se défendre jusqu’au bout contre le Hamas et si possible le détruite et libérer les otages survivants. « 

Grégory Doucet est lui aussi revenu sur l’attaque du Hamas, réitérant l’expression de « l’absolue compassion » de la Ville de Lyon, ajoutant qu’elle n’« acceptera jamais, les intimidations, l’intolérance, les menaces, les injures à l’égard des juifs, ou de toute autre communauté en raison de ses origines, supposés, de sa confession supposé ou de sa culture ». « Nous ne laisserons jamais souiller, nier, même relativiser la mémoire de la Shoah. »

Le maire de Lyon a rendu hommage à Robert Badinter et une nouvelle fois à Claude Bloch dernier survivant de la Shoah lyonnais et passeur de mémoire, disparu le 31 décembre 2023, a qui il avait déjà rendu hommage à l’Hôtel de ville, le 7 février dernier. Le maire de Lyon a également annoncé que la passerelle menant au palais de justice allait être rebaptisée en l’honneur de Pierre Truche, le procureur général, qui a jugé Klaus Barbie.

En marge de la cérémonie, des pancartes évoquant l’attaque du Hamas du 7 octobre ont été brandies, avec comme message fort « Never again is now », témoignant de l’émotion légitime suite à l’attaque sanguinaire du Hamas.

Si la rafle de la Rue Sainte-Catherine symbolise bien évidement les horreurs vers lesquels l’antisémitisme et le racisme mènent inéxorablement, il semblerait malheureusement que certains instrumentalisent cette évènement, ou la Shoah, comme l’avait regretté le grand Rabin de Jérusalem quand la délégation israélienne s’était présenté devant le conseil de sécurité en arborant l’étoile jaune, pour diffuser des propos inquiétants. Car si certains n’ont pas manqué de pointer l’islamisme radicale qui représente évidemment un danger mortel, il n’a jamais été question de l’antisémitisme traditionnel français dont les racines remontent avant même l’affaire Dreyfus. Celui était l’un des fondements du Front National et a donné lieu aux dérives négationnistes, qu’a connu à une époque certains professeurs de l’université Lyon 3. Ainsi, on peut s’inquiéter des propos de Serge Klarsfeld appelant les pays à lutter contre l’islamisme, comme ils l’avaient contre le nazisme, qui dans le contexte actuel peuvent s’apparenter à un appel à une troisième guerre mondial.

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