Le festival de l’École de l’Anthropocène, héritier de l’École urbaine de Lyon, s’est déroulé du 27 au 30 mars à Lyon. Pendant quatre jours, scientifiques, artistes, penseur·euses, activistes et citoyen·nes se sont réuni·es pour croiser les regards sur un monde en crise et imaginer ensemble des voies de transformation. L’événement a culminé avec la projection du film « Portail dans la nuit » suivi d’une conversation entre l’anthropologue brésilien Eduardo Viveiros de Castro et l’historien Patrick Boucheron, coauteur de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024.
Fondé en 2017 dans le cadre du Plan d’Investissement d’Avenir, l’École urbaine de Lyon (EUL) a cessé ses activités en 2022 suite à l’arrêt de ses financements gouvernementaux. Cette école était dirigée par Michel Lussault, Géographe, qui avait été nommé président du Conseil supérieur des programmes par la ministre de l’Éducation nationale et Young leader du Forum économique mondial, Najat Vallaud-Belkacem.
Depuis la fermeture de l’EUL, le festival est porté par l’association Cité Anthropocène, composée en grande partie d’anciens membres de l’école. L’association collabore avec l’agence culturelle October Octopus dirigée par Cédric Duroux, qui accompagne le festival depuis ses débuts.
Florian Fomperie, membre de Cité Anthropocène, nous a souligné que le festival repose sur la médiation entre science, art et société civile : « L’idée principale est de faire le lien entre le grand public et les avancées scientifiques, qu’elles soient issues des sciences dures ou sociales. » Cette médiation passe par une hybridation des savoirs, avec des formats variés allant des performances artistiques aux conférences thématiques.
Lors de la soirée d’ouverture intitulée « Le pire n’est jamais certain », animée par la journaliste Nora Hamadi, le ton était donné : il allait être question de nos peurs. Lors de ce premier évènement, la philosophe Kaoutar Harchi, l’économiste Michel Feher ou encore Sanaa Saitouli ont invité à refuser la paralysie face au désastre, pour penser des futurs désirables.
Toutefois, lors de la soirée de samedi, consacrée à l’Amazonie, le discours était beaucoup moins optimiste. Dans la journée pourtant le comédien et stand-upper, Jacob Durand, qui a convoqué artistes et humoristes pour réfléchir sur les récits climatiques avait organisé un spectacle invitant humoristes et artistes, tels qu’Agnès Maemblé, pionnière du rap lyonnais à discourir sur le changement climatique, l’Amazonie et les amazones.
La peur comme instrument de manipulation ?
Le film « Portail dans la nuit (Quando o meu mundora era mais mundo) » avec la philosophe brésilienne Déborah Danowski, professeure émérite à l’Université Catholique Pontificale de Rio de Janeiro a ensuite été diffusé. Il s’interroge sur le futur dans un contexte d’urgence climatique. S’il est juste de donner de l’espoir ou s’il est approprié d’inspirer la peur ? C’est la deuxième solution qui semble en ressortir. Le film liste également le catalogue des fakes news qui ont accompagnés la pandémie, à commencer par les nombreux récits véhiculés sur les masques. Il n’évoque toutefois pas que depuis, l’ancien conseiller Santé du président et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Anthony Fauci a concédé devant la chambre des représentants américains que le choix de généraliser les masques ne reposait sur aucune base scientifique et que les Lockdown Files publié dans The Telegraph ont révélé que les contributeurs du FEM, Matt Hancock, ancien secrétaire d’État à la Santé britannique et Sir Patrick Valla, conseiller scientifique en chef du gouvernement, ont échangé des messages durant le confinement affirmant que le choix des masques avait eu lieu pour faire peur à la population et s’assurer qu’elle respecte les confinements.
Le film a été suivi d’une rencontre entre l’anthropologue Eduardo Viveiros de Castro, proche de Déborah Danowski et l’Historien, Patrick Boucheron, qui fut le point d’orgue du festival.
Le Brésilien a fait preuve d’un grand scepticisme martelant que « Le pire est certain, mais il n’est jamais le pire du pire » ou encore que « Le pire est infini » et peut toujours empirer. Patrick Boucheron, spécialiste de Machiavel, philosophe italien qui affirmait « celui qui contrôle la Peur des gens devient le maître de leurs âmes« , ne s’est pas montré beaucoup plus optimiste affirmant que lorsque le mal arrive, il n’y a pas grand chose d’autres à faire que de « se planquer ». Il a également évoqué une peur instrumentalisée par les pouvoirs autoritaires, notamment les régimes populistes ou climato-sceptiques, qu’il a opposé à une peur plus lucide, plus mobilisatrice, qui permet d’inventer des récits d’action plutôt que de résignation.
Les deux hommes ont dénoncé le « fascisme technophile » des élites politico-économiques contemporaines représentées par des figures tels que Musk et Trump, qui promeuvent un monde gouverné par la technologie au service d’une oligarchie, au mépris de la Terre et de la justice sociale.
Il a été question d’apocalypse avec une métaphore de la fin de l’Amazonie comme la fin du monde au sens stricte. Il a été précisé que la »fin du monde » a déjà eu lieu pour les peuples autochtones avec la colonisation.
À la fin de cette conférence, Patrick Boucheron qui fut l’un des auteurs de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris, nous a avoué que le cavalier qui est apparue sur la Seine était bien un cavalier de l’apocalypse.
Pendant sa séance de dédicace il a reçu la visite de l’ancien député et franc-maçon Hubert Julien-Laferrière, dont l’arbre généalogique remonte à Edouard Laferièrre, collaborateur au sein du journal Le Palais de Maurice Joly, auteur du Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, texte qui avait inspiré Les protocoles des sages de Sion, à l’origine de l’antisémitisme moderne.