Devant le conseil des prud’hommes de Paris, Kylian Mbappé et le Paris-Saint-Germain ont étalé leurs griefs dans une audience électrique où chaque camp réclame plusieurs centaines de millions d’euros. Le joueur demande la requalification de son contrat et une indemnisation massive ; le club réplique en avançant un préjudice d’image et une perte de chance colossale. Un face-à-face hors norme qui dévoile les tensions accumulées entre la star française et son ancien employeur.
L’audience qui s’est tenue lundi 17 novembre au conseil des prud’hommes de Paris restera comme l’un des épisodes les plus spectaculaires d’un conflit devenu emblématique des dérives du football moderne. Peu familiers des subtilités économiques de ce milieu, les conseillers prud’homaux ont découvert, médusés, l’ampleur des sommes réclamées par les avocats de Kylian Mbappé et ceux du Paris-Saint-Germain, dans un litige où l’argent s’additionne en strates successives et où chaque argument ressemble à une passe d’armes.
À l’origine, la procédure engagée par Mbappé portait sur 55 millions d’euros de salaires et primes, dus mais impayés à l’issue de la saison 2023-2024. Ses avocats ont finalement revu le chiffre à la hausse, exigeant 263 millions pour requalifier son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en invoquant un harcèlement moral, l’exécution déloyale du contrat et un travail dissimulé lié à l’absence de transmission de certains bulletins de salaire. Le clan Mbappé, représenté notamment par Me Frédérique Cassereau et Me Delphine Verheyden, accuse le club d’avoir agi selon des « méthodes de voyou », presque sorties d’un « film de Scorsese », considérant ses joueurs comme de simples marchandises.
Le PSG, fidèle à sa stratégie défensive offensive, a dégainé une demande bien plus lourde encore : 440 millions d’euros pour préjudice d’image et perte de chance lors du transfert avorté de l’attaquant, parti libre au Real Madrid à l’été 2024. Le club estime avoir été spolié de la possibilité d’un transfert valorisé à hauteur de 180 millions d’euros, évoquant une manœuvre déloyale lorsque Mbappé leur aurait transmis un courrier daté non pas de 2023, mais de juillet 2022, annonçant son intention de ne pas prolonger.
La chronologie contractuelle reste au cœur du différend. À l’été 2023, Mbappé est envoyé dans le fameux « loft », aux côtés des joueurs jugés indésirables, après avoir refusé d’activer l’option prolongeant son contrat jusqu’en 2025. Une décision vécue comme une sanction, tandis qu’un club saoudien, selon les dirigeants parisiens, aurait manifesté son intérêt. Le joueur affirme n’avoir signé aucun accord lors de sa réintégration en août 2023 ; le PSG soutient au contraire qu’un engagement avait été trouvé, portant notamment sur l’abandon d’une partie des primes.
Dans l’enceinte prud’homale, les deux camps multiplient les rappels, citations et sous-entendus. Les avocats du PSG évoquent une « rencontre des consentements », se fondant sur les déclarations de Mbappé en janvier 2024. Ceux du joueur dénoncent des promesses non tenues et une pression constante de la part des dirigeants, dans un contexte où les décisions de la Ligue de football professionnel, rendues à l’automne 2024, avaient déjà donné raison au joueur.
Au-delà du litige salarial, l’affaire s’inscrit dans un bras de fer global. Le PSG a assigné Mbappé et la LFP fin 2024 devant le tribunal judiciaire de Paris, une action que le clan du joueur considère comme une tentative de freiner les procédures disciplinaires en cours. Mbappé avait lui-même déposé une plainte pénale pour harcèlement moral et tentative d’extorsion de signature, avant de la retirer sans explication. Le parquet de Paris poursuit néanmoins son information judiciaire, confiée aux juges Serge Tournaire et Vincent Lemonier, magistrats expérimentés déjà impliqués dans plusieurs dossiers visant le président du club, Nasser Al-Khelaïfi. Un « hasard » que les avocats du PSG n’ont pas manqué de commenter avec ironie.
Cette confrontation judiciaire d’envergure a d’ailleurs éclipsé une autre affaire examinée le même jour : celle de Kheira Hamraoui, ancienne joueuse du club, qui réclame 3,5 millions d’euros pour des faits de harcèlement moral prétendument commis par des coéquipières et par le PSG, lequel aurait manqué à ses obligations de sécurité. Une procédure qui renvoie à l’agression de 2021, toujours au cœur d’investigations où son ex-coéquipière Aminata Diallo a été mise en examen.
Le conseil des prud’hommes rendra ses décisions le 16 décembre, dans deux dossiers où le sport professionnel se retrouve brutalement confronté aux exigences du droit du travail et à la complexité des relations contractuelles dans un secteur où les enjeux dépassent trop souvent le cadre sportif.
Sources :
Le Monde – Article du 17 novembre 2025