Dans une récente interview accordée à Darius Rochebin sur LCI, l’ancien grand maitre du Grand Orient de France, Alain Bauer a souligné une capacité potentiellement dévastatrice de la Russie envers les États-Unis, affirmant que Moscou est capable de « faire très mal » à Washington, alors que Mark Rutte avait lui aussi agité l’épouvantail russe.
Dans un échange dense et alarmant avec Darius Rochebin sur LCI, le criminologue Alain Bauer a agité l’épouvantail russe face aux Etats-Unis. À rebours d’un discours occidental centré sur l’affaiblissement militaire russe, il a insisté sur une capacité d’infliger des dégâts colossaux sur le sol américain, non pas via une confrontation conventionnelle directe, mais par des moyens asymétriques, en tête desquels figure l’utilisation massive de drones.
L’arsenal russe, selon Bauer, reste vieillissant et en partie délesté par l’effort de guerre en Ukraine. Toutefois, Moscou compense cette usure par une alliance technologique et stratégique avec l’Iran et la Chine. Grâce notamment aux drones iraniens capables de déjouer les systèmes antimissiles, la Russie pourrait produire jusqu’à 20 000 drones par mois. Une capacité de saturation face à laquelle les États-Unis sont mal préparés, leur industrie militaire étant focalisée sur des engins lourds et peu adaptés à ce type de guerre de l’essaim.
Le risque, d’après Bauer, est d’autant plus préoccupant que les systèmes de défense américains ne couvrent que partiellement leur territoire. Les pertes humaines et matérielles seraient « probablement insupportables », même en cas d’efficacité partielle des défenses antimissiles. Il cite l’exemple israélien, où malgré une efficacité de 90 %, les 10 % restants peuvent causer des ravages, comme l’a montré la frappe contre l’institut Weizmann.
Cette vulnérabilité se doublerait d’une stratégie géopolitique calculée. Selon lui, la Russie ne viserait pas l’invasion frontale, mais la « déconnexion » progressive des puissances occidentales, en les piégeant dans des « abcès de fixation » tels que la Moldavie ou l’Estonie. L’objectif : disperser leurs moyens, les désarmer psychologiquement, affaiblir leurs stocks, puis imposer des cessez-le-feu à leur avantage.
Interrogé sur les propos de Man Rutte qui affirmait qu’en cas d’attaque de Taiwan la Chine demanderait à la Russie de s’occuper de l’Europe et de l’OTAN, l’auteur d’un nouveau romain intitulé « Menace sur Taiwan », qui ne cesse de jouer les oiseaux de mauvaise augure à propos d’un futur conflit dans l’Asie-pacifique, a insisté sur le rôle crucial joué par la Chine dans cette dynamique. Il évoque la « guerre qui a commencée et la guerre qui vient ». Selon Bauer, se scénario a déjà été écrit et Xi Jinping a déjà demandé à la Russie de décaller l’invasion en Ukraine et les ministres des deux pays auraient déjà élaborer une stratégie selon laquelle, les Etats-unis ne pourraient pas mener de front deux guerres en même temps. Selon lui, Trump, comme Biden avant lui, n’en a que faire de l’Ukraine, qui représenterait un « emmerdement », alors que tout se jouerait en Asie. Pékin soutiendrait Moscou dans sa guerre d’usure contre l’Occident, tout en poursuivant ses ambitions sur Taïwan. En s’inspirant de la guerre de Corée, la Chine miserait sur la « masse contre la technologie », développant des « porte-drones » aériens, navals et sous-marins, capables de déployer des dizaines de milliers de drones pour une fraction du coût d’un porte-avion américain.
Dans cette configuration, le véritable danger réside, selon Bauer, dans le désarmement stratégique occidental post-Guerre froide. Les États-Unis comme l’Europe ont fermé leurs chaînes de production d’armement, pariant sur une paix durable, une « globalisation heureuse » aujourd’hui démentie par le retour des empires. « L’Occident baisse parce qu’il a décidé de baisser », estime-t-il, pointant l’impréparation matérielle et doctrinale des démocraties face à une guerre hybride mondiale, reprenant la formule de Hubert Védrine comparant les Européens à des « Bisounours » perdus dans Jurassic Park.
Pour illustrer le ressentiment du Sud global à l’encontre de l’occident, l’ancien Grand Maître du Grand orient a cité une anecdote selon laquelle des iraniens avec qui il discutait s’étaient offusqués que dans le film « 300 », Xersès ait été transformé en drag queen. Bauer a également cité la récente « lazérisation » d’un avion allemand par la Chine.
À cette nouvelle donne, Donald Trump semble avoir réagi, selon Bauer, en adoptant une posture beaucoup plus dure vis-à-vis de Vladimir Poutine, allant jusqu’à le traiter de « bullshit artist » — un virage spectaculaire pour celui qui jouait autrefois le « gentil flic » dans ses échanges diplomatiques avec Moscou.
Enfin, Bauer indique que la menace que représente la Russie aujourd’hui n’est plus celle de l’invasion blindée, mais celle du harcèlement technologique, du sabotage stratégique et de la démonstration de force ciblée, dans une guerre où le drone est roi et où le pouvoir destructeur se mesure à la capacité de perturber, immobiliser, et délégitimer les grandes puissances occidentales.
Source de l’article : Interview d’Alain Bauer sur LCI avec Darius Rochebin (juillet 2025)