Une enquête de grande ampleur a permis de démanteler un réseau structuré de trafic de migrants opérant entre l’Algérie, l’Espagne et la France, a annoncé ce vendredi 21 mars le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone. L’opération, fruit d’une coopération judiciaire et policière internationale, marque un tournant dans la lutte contre les filières clandestines.
Tout a commencé en juillet 2022, par une interpellation en Allemagne de deux ressortissants français transportant des migrants syriens. Grâce à un renseignement fourni par Europol, une enquête préliminaire est ouverte à Marseille, mettant en lumière deux équipes distinctes opérant depuis Marseille et Perpignan, avec des ramifications en Espagne, en Belgique, en Italie et jusqu’en Allemagne.
Une organisation criminelle structurée
Les investigations ont révélé l’existence d’un véritable « marché de la migration », selon les termes du procureur. Des rabatteurs recrutaient les migrants à la frontière espagnole, des passeurs les transportaient via des routes secondaires pyrénéennes, et des logeurs les hébergeaient discrètement. Les trajets étaient tarifés entre 150 et 300 euros pour un passage terrestre, jusqu’à 9 000 euros pour une traversée maritime, avec parfois corruption de gardes-côtes algériens.
Un trafic aux dimensions européennes
L’enquête a conduit à l’interpellation de dix personnes en France cette semaine, dont six à Marseille. Trois ont été placées en détention provisoire, les autres sous contrôle judiciaire. En parallèle, cinq mandats d’arrêt européens ont été délivrés pour des suspects interpellés en Espagne, en attente de transfert en France. En tout, 1 700 migrants auraient été convoyés par ces filières entre 2022 et 2024.
Un démantèlement rare d’une filière complète
Selon les magistrats en charge du dossier, il s’agit d’une affaire hors norme par la précision du travail d’enquête, la structuration de l’organisation criminelle et l’efficacité de la coordination internationale. Le réseau incluait tous les rôles nécessaires : rabatteurs, chauffeurs, logisticiens, logeurs, pilotes de semi-rigides et complices hôteliers. Le chiffre d’affaires est estimé à plus de 180 000 euros, avec la saisie de véhicules, de numéraires et d’un bateau.
Une coopération internationale saluée
Le parquet de Marseille et l’Office central de lutte contre le trafic illicite de migrants ont insisté sur l’efficacité de la coopération franco-espagnole. L’opération a été menée en lien avec Europol et a impliqué des magistrats espagnols, permettant une synchronisation des interpellations sur les deux territoires.
“Ce démantèlement n’est pas notre quotidien. C’est une affaire rare et exemplaire par l’ampleur des interpellations, la professionnalisation des auteurs et la transversalité des moyens déployés”, a déclaré le procureur.