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Juan de Nova ( Iles Eparses dans le golfe du Mozambique ). Photo : @TAAF

Madagascar : la restitution des îles Éparses par la France devient un enjeu de souveraineté nationale

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La question de la restitution des îles Éparses, administrées par la France mais revendiquées par Madagascar, prend de l’ampleur sur la Grande Île. Ces petits territoires inhabités, situés dans le canal du Mozambique, sont au cœur d’un dossier géopolitique complexe mêlant souveraineté, ressources naturelles et héritage colonial.

Lundi 30 juin, Paris a accueilli dans la discrétion une nouvelle réunion de la commission mixte sur l’avenir des îles Éparses, six ans après la dernière rencontre. La France, représentée par son ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, continue de privilégier un accord de cogestion, écartant l’idée d’une restitution totale à Madagascar, comme l’a réaffirmé Emmanuel Macron lors de sa visite en avril.

Face à cette position française, la société civile malgache se mobilise. Près de 900 organisations, dont Transparency International Initiative Madagascar, ont publié un communiqué exigeant la « reconnaissance totale et immédiate » de la souveraineté de Madagascar sur ces îles stratégiques. Pour elles, la poursuite de l’administration unilatérale française incarne « une continuité inacceptable du système colonial ».

Un enjeu géopolitique et économique majeur

Le différend remonte aux années 1970, lorsque le président Didier Ratsiraka porta la revendication de Madagascar devant l’ONU, obtenant deux résolutions en 1979 et 1980 demandant à la France d’ouvrir des négociations pour la réintégration des îles Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India.

Ces îles confèrent à Paris le contrôle d’environ la moitié du canal du Mozambique grâce à leurs zones économiques exclusives. Riches en ressources halieutiques et abritant de potentielles réserves de gaz, elles se trouvent sur une route maritime essentielle au commerce international, renforçant leur valeur stratégique.

Un combat qui dépasse désormais l’élite

La politologue Christiane Rafidinarivo explique dans les colonnes du Monde que « toute une conscience politique populaire s’est construite autour des îles Éparses via les médias, la musique et les radios très écoutées par les Malgaches ». Elle y voit la preuve que « la décolonisation n’est pas encore achevée » aux yeux de la population.

Le débat a été ravivé lors de la campagne présidentielle de 2023, après la révélation de la double nationalité franco-malgache d’Andry Rajoelina. L’analyste Serge Zafimahova explique à nos confrères que cela a renforcé le patriotisme malgache et démocratisé la revendication, qui n’est plus perçue comme une affaire réservée aux élites politiques.

Une question enseignée à l’université mais absente des écoles

Si la majorité des Malgaches, dont 80 % vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 2,15 dollars par jour), se préoccupent avant tout de leur survie quotidienne, la question des îles Éparses reste vivace dans les milieux universitaires. Lovamalala Randriatavy, maîtresse de conférences à l’université d’Antananarivo, utilise par exemple ce cas pour enseigner le droit à l’autodétermination et le droit des ressources naturelles.

Cependant, faute de financement public et face à l’impossibilité d’effectuer des recherches sur place, la production scientifique sur ce sujet reste limitée.

L’exemple des Chagos ravive l’espoir

Le scepticisme longtemps dominant à Madagascar cède désormais la place à un regain d’espoir depuis la rétrocession des îles Chagos par le Royaume-Uni à Maurice en 2025.

Une revendication qui s’étend

À l’heure où Paris et Antananarivo discutent à nouveau, la restitution des îles Éparses est devenue un symbole national, cristallisant un profond sentiment d’inachèvement de la décolonisation. Entre réalités économiques, mémoires historiques et enjeux géopolitiques, ce dossier promet de rester au centre des relations franco-malgaches dans les années à venir.

Source : Le Monde.

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