Le magazine Marianne entame une nouvelle ère sous la direction de Frédéric Taddeï, qui succède à Natacha Polony. Dans son édito inaugural publié hier, le rédacteur en chef affirme sa volonté de perpétuer l’ADN contestataire du magazine tout en approfondissant l’analyse de l’actualité, qu’il compare à « l’écume des choses » en référence à l’historien Fernand Braudel. Pour lui, informer ne se résume pas à relayer des faits en surface, mais implique une compréhension plus globale des dynamiques qui les sous-tendent, en faisant notamment appelle à ceux qui travaillent le temps long comme les historiens et les sociologues, une approche qui n’aurait pas été pour déplaire à l’école des annales dont était issu Braudel et dont l’EHESS se veut l’héritière.
Frédéric Taddeï insiste sur l’indépendance éditoriale de Marianne, rappelant que le magazine n’est ni un organe partisan ni un outil de propagande. Son objectif est d’éclairer les débats de société sans céder aux préjugés ni aux postures dogmatiques. Il se positionne contre les lectures simplistes du monde contemporain et défend une approche factuelle et rationnelle.
Il réfute l’idée qui « le monde est devenu complètement fou, qu’il est incompréhensible, impensable ». « Notre époque n’est pas plus incompréhensible que celles qui l’ont précédée. »
Selon lui, l’actualité est incompréhensible si l’on ne s’intéresse pas aux courants sous-jacents qui la déterminent. Il met ainsi en avant l’importance d’un journalisme s’appuyant sur les savoirs académiques (histoire, sociologie, économie, philosophie) pour donner de la profondeur à l’information.
Marianne : un média au service du débat et de la raison
Loin des polémiques faciles et des attaques personnelles, Taddeï souhaite que Marianne continue d’être un espace de confrontation des idées, comme il avait si bien le faire lui même dans « Ce soir (ou jamais!) », l’émission qu’il animait sur le service public. Il annonce une volonté de multiplier les tribunes et les débats « pour » et « contre », afin que les lecteurs puissent se forger leur propre opinion sur des sujets d’actualité majeurs.
Il réaffirme par ailleurs l’attachement du magazine aux valeurs républicaines : liberté, égalité, fraternité et laïcité. L’hebdomadaire a en effet été fondée par Jean-François Kahn, qui semblait proche de la Maçonnerie prônant la laïcité. En 2014, Kahn avait assisté à un dîner-dialogue avec Daniel Keller, Grand-Maître du Grand Orient de France (GODF), organisé par le Cercle Franc-Maçonnerie et Société, où il a présenté deux de ses ouvrages. En 2015, il était présent au Salon du livre maçonnique de Toulouse, aux côtés d’intellectuels comme Michel Maffesoli et Blandine Kriegel. Enfin, en 2020, il a participé à une conférence à l’espace Franquin d’Angoulême, en présence de Jean-Philippe Hubsch, alors Grand-Maître du GODF.
Un appel à la lucidité et au recul
Nul doute, que Taddeï, héritier de Jean-François Bizot, fondateur d’Actuel et de Nova Magazine, mais aussi membre de la famille Gillet, une famille de la lyonnaise active notamment dans l’industrie textile et chimique depuis le XIXe siècle, saura imposer sa propre patte. Dans son édito, il rappelle que le journalisme doit éviter de tomber dans les biais partisans. Taddei défend un exercice rigoureux et objectif du métier, où la hiérarchisation des faits et leur mise en perspective prévalent sur les opinions préconçues.
Tout en s’inscrivant dans la continuité de ses prédécesseurs, Frédéric Taddeï entend faire de Marianne un espace d’analyse et de décryptage profond, loin des simplifications et des raccourcis souvent présents dans le paysage médiatique actuel. Une mission ambitieuse pour un journal qui veut rester un contre-pouvoir intellectuel tout en conservant sa liberté de ton.