Le 31 mars 2025, un jugement rendu contre Marine Le Pen a déclenché une vague d’attaques sans précédent en ligne, ciblant particulièrement la juge Bénédicte de Perthuis, présidente du tribunal correctionnel. Depuis cette date, cette dernière fait l’objet de nombreuses insultes, d’intimidations et de menaces de mort, une situation inquiétante qui met en lumière la tension croissante entre la politique et l’institution judiciaire en France.
Après le jugement du 31 mars, Bénédicte de Perthuis est devenue la cible principale de nombreuses attaques virulentes, particulièrement sur les réseaux sociaux. Son nom et son visage ont été largement diffusés, accompagnés de propos haineux et de menaces. Cette situation est survenue après sa présidence du tribunal correctionnel dans le cadre du procès du Rassemblement National. Le verdict ayant condamné Marine Le Pen a rapidement transformé la juge en une figure controversée, victime d’une véritable campagne de harcèlement en ligne.
Des menaces graves et des accusations infondées
Les attaques contre la juge de Perthuis n’ont pas été limitées à des critiques politiques. Certaines menaces sont allées jusqu’à l’incitation à la violence, créant un climat de peur et d’insécurité. Les détracteurs de la juge ont notamment mis en avant une supposée proximité politique avec l’ancienne magistrate Eva Joly, ancienne figure d’EELV, pour justifier leurs accusations d’un parti pris anti-Le Pen.
Les internautes dénoncent également les liens de Bénédicte de Perthuis avec la « famille Auzière » dont André-Louis Auzière est le premier époux de Brigitte Macron.
Une magistrate expérimentée
Bénédicte de Perthuis, diplômée en expertise comptable, a commencé sa carrière dans un cabinet d’audit avant de se tourner vers la magistrature à 37 ans, influencée par Eva Joly, juge d’instruction spécialisée dans les affaires financières. En 2020, Bénédicte de Perthuis a commenté « Elle a changé ma vie » à propos de la magistrate.
De ses débuts au Havre, où elle exerce en tant que juge aux affaires familiales, de Perthuis gravit rapidement les échelons. Elle devient juge d’instruction à Pontoise, puis intègre la 11ᵉ chambre correctionnelle du tribunal de Paris, spécialisée dans les affaires financières, en tant que juge assesseure.
Par la suite, elle occupe le rôle de magistrate mobile en région parisienne, avant de devenir juge des libertés et de la détention pendant un an. De retour au tribunal de Paris, elle préside des affaires de grande envergure, notamment le procès des dirigeants d’EADS pour délit d’initiés et celui des primes en liquide au ministère de l’Intérieur, qui aboutira à la condamnation de Claude Guéant en novembre 2015.
Bénédicte de Perthuis reprend ensuite son rôle de juge d’instruction, au pôle financier cette fois, où elle hérite des dossiers de l’emblématique juge Renaud Van Ruymbeke à sa retraite. Elle s’occupe notamment de l’affaire de corruption présumée autour des Mondiaux d’athlétisme au Qatar.
En 2021, elle reprend la présidence de la 11ᵉ chambre, où elle rend plusieurs décisions marquantes. En avril 2022, son tribunal condamne Ernest-Antoine Seillière, ancien président du Medef, dans l’affaire Wendel pour fraude fiscale. En janvier 2024, elle prononce la relaxe d’Olivier Dussopt, ministre jugé pour favoritisme (relaxé en première instance, mais plus tard condamné en appel). Cette même année, elle préside le procès de Guillain M., un trader surnommé « le Madoff du Maine-et-Loire », condamné pour escroquerie, ainsi que de nombreuses audiences liées aux accords de plaider-coupable négociés par le PNF.
L’impact sur l’indépendance judiciaire et la liberté d’expression
Cette attaque virulente contre une figure judiciaire soulève des questions cruciales sur la place de l’indépendance de la justice en France. Comme l’a souligné Rémy Heitz, procureur général de la Cour de cassation, toute forme de menace à l’encontre d’un juge constitue un acte répréhensible, susceptible de poursuites pénales.
La solidarité de l’institution judiciaire
Malgré les attaques, l’institution judiciaire a fait bloc derrière Bénédicte de Perthuis. Les collègues de la juge ont exprimé leur solidarité, soulignant que le jugement rendu faisait partie d’un débat contradictoire et collégial, conforme aux principes du droit. Les magistrats ont affirmé qu’aucune pression politique ne devait interférer avec leur travail, et ont rappelé que de telles menaces devaient être prises au sérieux.
Les réactions politiques
L’écologiste Marine Tondelier a réagi sur X en relayant un message de son parti affirmant que « notre démocratie est menacée » et appelant à la mobilisation ce dimanche pour « défendre notre état de droit ».
Le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, a estimé sur X que « Les menaces proférées contre les magistrats du Tribunal judiciaire de Paris sont inacceptables dans une démocratie et préoccupantes pour l’indépendance de l’autorité judiciaire ».