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Image : Capture d'écran France 24.

Incendies à Hong Kong : le pouvoir tente d’étouffer la colère après une catastrophe meurtrière

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Après les incendies qui ont ravagé le complexe résidentiel de Wang Fuk Court le 27 novembre dernier, causant la mort d’au moins 151 personnes, Hong Kong fait face à une vague de critiques malgré le contrôle politique accru exercé par Pékin. Arrestations, accusations de corruption, pétitions censurées : les autorités cherchent désormais à contenir une colère populaire qui ressurgit dans un climat politique déjà sous tension.

Les images des tours calcinées de Wang Fuk Court, dans le quartier de Tai Po, continuent de hanter Hong Kong. L’incendie, l’un des plus meurtriers de l’histoire récente de la ville, a mis en lumière des défaillances structurelles, attisant une colère que les autorités locales et Pékin peinent à maîtriser. Treize personnes ont été interpellées dans le cadre de l’enquête, qui s’oriente vers des manquements graves aux normes de sécurité, notamment l’utilisation de matériaux ignifuges non conformes. La Commission indépendante contre la corruption a confirmé mener une investigation approfondie, signe que l’affaire dépasse largement le seul cadre technique d’un chantier mal contrôlé.

Malgré la communication triomphante de Xinhua, qui a salué la « réactivité » des secours et la « formidable solidarité » des habitants, le récit officiel se fissure. Des résidents affirment avoir alerté les autorités sur des risques liés aux travaux de rénovation, sans recevoir de réponse crédible. Pour Toru Kurata, professeur à l’université Rikkyo de Tokyo, les implications politiques pourraient s’avérer explosives, une enquête sur la corruption risquant d’ouvrir une véritable « boîte de Pandore ».

La fébrilité du pouvoir s’est révélée plus nettement encore ce week-end, lorsque le Bureau de la sécurité nationale a accusé des « forces hostiles à la Chine » de vouloir instrumentaliser la tragédie pour déstabiliser Hong Kong, rappelant explicitement le spectre des manifestations de 2019. Dans cette logique, le gouvernement dénonce la diffusion de « fausses informations » et multiplie les interventions policières.

Une pétition lancée par des étudiants, réclamant notamment une commission d’enquête indépendante et une réforme du système d’inspection des chantiers, a rapidement dépassé les 10 000 signatures avant d’être fermée. L’un de ses initiateurs aurait été arrêté pour sédition, tandis que d’autres militants, dont un ancien conseiller municipal, auraient été interpellés pour « incitation à la haine contre le gouvernement », selon plusieurs médias locaux. Ces arrestations, entourées de flou, rappellent l’usage extensif de la loi sur la sécurité nationale pour neutraliser toute forme d’opposition.

Face à l’afflux d’initiatives citoyennes, les autorités ont tenté de reprendre la main. Un centre de distribution improvisé par des bénévoles a reçu l’ordre de fermer, remplacé par une plateforme officielle destinée à centraliser les dons. Le geste se veut organisationnel ; il résonne toutefois comme un rappel du contrôle strict imposé à la société civile depuis 2020.

Ce regain de tensions intervient à quelques jours des élections du Conseil législatif, prévues le 7 décembre. Depuis la profonde réforme électorale de 2021, seuls quelques sièges sont directement ouverts au suffrage des Hongkongais, tandis que les candidats doivent démontrer leur loyauté envers Pékin. Pour le gouvernement du contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, John Lee, le scrutin doit se dérouler sans accroc afin de consolider sa légitimité et assurer la transition vers une nouvelle génération de parlementaires. Mais l’incendie complique cette équation politique déjà fragile.

Les résultats préliminaires de l’enquête inquiètent davantage encore la population. Lundi, les autorités ont indiqué que sept des vingt échantillons prélevés sur les filets de protection du chantier ne respectaient pas les normes ignifuges, et des analyses ont été lancées dans des centaines de sites supplémentaires. L’incendie met en lumière la qualité contestée de certains matériaux, notamment ceux importés de Chine continentale, une critique sensible dans le contexte actuel.

Malgré les louanges de la presse officielle pour son « sens des responsabilités », John Lee se retrouve exposé. Les semaines à venir seront déterminantes et le chef de l’exécutif pourrait jouer son avenir. Dans une ville muselée mais toujours marquée par un profond attachement à la transparence, la catastrophe de Tai Po pourrait bien rouvrir des fractures que Pékin pensait refermées.

Source :

Nikkei Asia

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