Neuf hauts gradés, dont le général He Weidong, proche du président Xi Jinping, ont été limogés mi-octobre. Pékin présente cette opération comme une « victoire majeure » contre la corruption endémique, mais les observateurs y voient un nouvel épisode du contrôle total exercé par Xi sur l’appareil militaire.
C’est une annonce qui a fait l’effet d’un séisme au sein de l’armée chinoise. Le 17 octobre, le ministère de la Défense a officialisé la destitution de neuf hauts gradés, parmi lesquels le général He Weidong, numéro trois de l’Armée populaire de libération (APL) et vice-président de la Commission militaire centrale. Cette décision, sans précédent depuis la Révolution culturelle, a été célébrée par Jiefangjun Bao, le quotidien officiel de l’armée, comme une « réussite majeure » de la campagne anticorruption voulue par le Parti communiste chinois (PCC).
Proche du président Xi Jinping, He Weidong incarnait jusqu’ici la fidélité du commandement militaire. Sa chute, brutale, souligne la profondeur de la purge engagée au sein des forces armées. Selon la presse officielle, les officiers déchus « ont gravement violé la discipline du parti » et sont soupçonnés d’avoir détourné « des sommes d’argent exceptionnellement importantes ». Les dossiers ont été transmis aux parquets militaires pour instruction et poursuites.
Cette vague d’épuration s’inscrit dans une série de sanctions spectaculaires visant l’appareil militaire chinois. Depuis le XXe Congrès du PCC, en 2022, plusieurs figures clés ont été écartées : Li Shangfu et Wei Fenghe, anciens ministres de la Défense ; Li Yuchao, commandant de la Force des missiles ; Sun Jinming, chef d’état-major ; et désormais He Weidong. Sur les réseaux sociaux chinois, certains internautes s’inquiètent : « Tant de généraux limogés : comment garantir la réunification nationale ? » écrivait récemment le blog Jinri Resou Pingtai sur Weixin.
Pour les médias d’État, la purge illustre la « détermination du Parti à éradiquer les comportements déviants ». Mais à l’étranger, les analyses sont plus nuancées. D’après The New York Times, Mark Parker Young, ancien responsable du renseignement américain pour l’Asie de l’Est, estime que cette série d’arrestations montre « la volonté de Xi Jinping de sacrifier la cohésion institutionnelle au profit du contrôle politique », signe qu’« il ne prévoit pas de confrontation militaire à court terme ».
La BBC rappelle pour sa part que douze ans après le lancement de la campagne anticorruption de Xi Jinping, le fléau reste endémique. Entre 2013 et 2025, plus de 400 hauts fonctionnaires ont été destitués, pour un montant cumulé dépassant les 36 milliards d’euros. Et les chiffres explosent : 610 000 personnes sanctionnées en 2023, 890 000 en 2024. Loin de s’atténuer, le phénomène semble s’amplifier, y compris parmi les fidèles du président.
Pour Victor Shi, politologue à l’université de Californie à San Diego, « le problème ne réside pas dans les individus, mais dans le système ». Dans un pays où le Parti contrôle tous les leviers du pouvoir, « l’immense pouvoir concentré entre les mains des hauts fonctionnaires favorise les transactions d’influence et les dérives ». La corruption, souligne-t-il, est moins un accident qu’un symptôme d’un modèle où le contrôle politique prime sur la transparence institutionnelle.
En limogeant un proche comme He Weidong, Xi Jinping démontre à la fois sa capacité à frapper ses alliés et son obsession du contrôle. Mais cette démonstration d’autorité, saluée par la presse officielle comme une victoire morale, pourrait aussi fragiliser la cohésion interne d’une armée déjà marquée par la méfiance et les rivalités.
Sources :
Courrier International – Corruption : la dernière purge dans l’armée chinoise, une “réussite majeure” pour la presse officielle – 22 octobre 2025 – courrierinternational.com
BBC News – China corruption purge deepens despite Xi’s campaign – 20 octobre 2025 – bbc.com
The New York Times – Xi Jinping tightens his grip as Chinese generals fall in corruption probe – 21 octobre 2025 – nytimes.com