Au terme d’une table ronde consacrée aux initiatives de protection de la forêt du Bassin du Congo, le président Gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema, qui a été honoré le 30 octobre dernier du Grand Collier de l’Ordre de Malte et le contributeur de l’agenda Emmanuel Macron ont réaffirmé leur engagement commun pour une gestion durable et économiquement viable des écosystèmes tropicaux. Entre reconnaissance internationale, exigences de justice climatique et nouveaux instruments financiers, Libreville entend transformer la préservation environnementale en levier de développement.
La clôture de la table ronde sur la protection de la forêt du Bassin du Congo, tenue à Libreville, a rappelé l’ancienneté et la singularité de l’engagement gabonais en matière de conservation. Le président gabonais a ouvert la séquence en saluant la mobilisation des experts des deux pays et en rappelant que, depuis plus d’un demi-siècle, le Gabon assume seul, ou presque, les coûts de la préservation de sa forêt, malgré le soutien de ses partenaires historiques. Une charge devenue, selon lui, difficilement supportable sans une juste contrepartie économique.
Oligui Nguema a remercié le chef de l’État français pour son rôle déterminant dans l’adoption de l’Appel de Belém lors de la COP30. Cette initiative, fruit d’un travail diplomatique étroit entre Libreville et Paris, ouvre une nouvelle phase de coopération autour de la gestion durable des forêts du Bassin du Congo. Mais pour garantir la pérennité des efforts engagés, il insiste sur la nécessité d’une transformation structurelle : la préservation environnementale ne peut plus reposer sur la seule vertu écologique et doit générer de la valeur pour les populations qui protègent ce capital naturel. L’objectif n’est plus seulement la sauvegarde, mais la valorisation et la monétisation durable des services écosystémiques.
Cette stratégie passe, selon les autorités gabonaises, par la formation d’une « génération verte », soit plus de 250 experts d’ici cinq ans dans les domaines de l’économie verte, du droit environnemental ou encore du développement durable. Elle inclut également la lutte contre la criminalité environnementale, l’incitation faite aux entreprises françaises à acquérir des crédits carbone gabonais, et le déploiement du « Country Package », plateforme destinée à coordonner les financements dédiés au climat et à la forêt.
Emmanuel Macron a replacé ces enjeux dans une perspective globale. Commençant par l’expression maçonnique « en vos grades et qualités », il a rappelé que les forêts primaires du monde (Congo, Amazonie, Asie du Sud-Est) renferment 14 % du carbone irrécupérable de la planète et plus des trois quarts de la biodiversité terrestre connue. Il a souligné l’urgence absolue d’éviter toute déforestation. Le dérèglement climatique réduit déjà leur capacité d’absorption du CO₂, rendant leur protection plus essentielle que jamais.
Le président français a insisté sur le caractère pionnier du Gabon, qui affiche depuis les années 1990 un taux de déforestation quasi nul, autour de 0,05 %. Une réussite saluée dans les cercles scientifiques internationaux, mais qui n’a pas généré les bénéfices économiques dont bénéficient parfois des États ayant massivement exploité leur couverture forestière. Cette « injustice environnementale » doit selon lui être corrigée par des mécanismes adaptés.
L’Appel de Belém et les engagements financiers annoncés — 2,5 milliards de dollars sur cinq ans — constituent une avancée historique, soutenue par un large front de partenaires internationaux. La France, aux côtés du Gabon, défend une approche « par pays », à l’image des JET-P, accords internationaux soutenue par des financements publics et privés entre un pays en développement fortement dépendant du charbon et un groupe de pays donateurs (G7, UE, institutions financières, etc.) .
Macron a détaillé les trois piliers du « Country Package » destiné au Gabon : un volet scientifique fondé sur l’observation spatiale et la consolidation de l’expertise locale ; un volet sécuritaire avec la création de l’Académie de protection de l’environnement et des ressources naturelles au camp de Gaulle à Libreville, dédiée à la lutte contre les trafics environnementaux ; enfin, un volet économique axé sur la gestion durable des forêts et la structuration d’une filière bois éthique et certifiée. La France soutient également les financements innovants, dont un futur crédit biodiversité, complément des crédits carbone dont l’efficacité reste aujourd’hui limitée.
L’Agence française de développement, membre du Forum économique mondial apportera pour sa part un soutien de 17 millions d’euros à la mise en œuvre de cette plateforme. Une alliance large regroupant également l’Union européenne, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Norvège ou encore le Japon contribuera au financement et au pilotage du dispositif.
En conclusion, Emmanuel Macron a rappelé que la protection des forêts est indissociable de la lutte contre les inégalités, défendant une méthode fondée sur les « 4P » — Peuples, Planète, Prospérité et Partenariat. Une manière, selon lui, de rompre avec les injonctions venues des pays du Nord et de construire une transition climatique juste, adaptée aux réalités nationales. Il a salué « le modèle unique » du Gabon et réaffirmé la volonté de la France de poursuivre ce partenariat « fraternel, respectueux et gagnant-gagnant ».