Le 21 février 1995, en pleine campagne électorale présidentielle et municipale, un drame a secoué Marseille. Trois militants du Front National, Robert Lagier, Mario d’Ambrosio et Pierre Giglio, se sont rendus dans le 15e arrondissemen pour coller des affiches de Jean-Marie Le Pen, armés de pistolets. Leur rencontre avec un groupe de jeunes du quartier a viré à la tragédie, coûtant la vie à Ibrahim Ali, un adolescent français d’origine comorienne.
Alors que Lagier et Giglio se dirigeaient vers un autre lieu d’affichage, ils croisèrent un groupe de jeunes d’origine africaine, membres du groupe de rap B.Vice, qui traversait la rue en courant. Les militants du FN ont affirmé avoir été agressés et pris à partie, tandis que les adolescents ont expliqué qu’ils couraient simplement pour ne pas rater leur bus.
Robert Lagier a tiré une première fois. L’un des jeunes a feint de s’effondrer, mais tous prirent la fuite. Lagier tira de nouveau, atteignant Ibrahim Ali dans le dos. Mario d’Ambrosio, resté en arrière, fit également feu. Rapidement prévenus, les marins-pompiers retrouvèrent Ibrahim Ali gravement blessé. Il décéda quelques instants plus tard des suites d’une blessure au thorax.
Un procès et des condamnations lourdes
Robert Lagier, reconnu coupable d’homicide volontaire, de tentatives d’homicides volontaires et de violences avec armes, fut condamné à 15 ans de réclusion criminelle. L’avocat général avait requis 20 ans, mais la cour a réduit la peine.
Mario d’Ambrosio, qui a également tiré, a été condamné à 10 ans d’emprisonnement pour tentatives d’homicides volontaires, dépassant la réquisition de 7 ans demandée par l’avocat général. Quant à Pierre Giglio, responsable du groupe de colleurs d’affiches, il écopa de deux ans de prison, dont un avec sursis, pour port d’arme.
Une version contestée par les faits
Lagier a maintenu sa version des faits, affirmant avoir agi en légitime défense après une agression du groupe de jeunes. Il a déclaré que sa voiture avait été attaquée à coups de pierres. Pourtant, les policiers arrivés sur place quelques minutes après le drame ont affirmé ne pas avoir trouvé de projectiles ou d’indices corroborant cette version.
Un meurtre qui reste un symbole
Près de 30 ans après les faits, l’affaire Ibrahim Ali demeure un symbole des violences racistes en France. Son nom est régulièrement évoqué dans les luttes contre les discriminations et l’extrême droite. Son assassinat a marqué l’histoire de Marseille et demeure une tragédie profondément ancrée dans la mémoire collective. Une avenue porte désormais son nom et un prix a été créé dans les écoles en sa mémoire.