Emmanuel Macron décidait de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, dans l’espoir de clarifier le débat démocratique. Un an plus tard, ce geste présidentiel est largement perçu comme un tournant majeur, voire comme la « pire erreur de la Ve République » selon plusieurs élus. Fragmentation parlementaire, instabilité gouvernementale, défiance accrue : retour sur une décision qui a durablement affaibli l’exécutif.
Un an après les faits, les Français ne se sont pas réconciliés avec ce choix. D’après un sondage YouGov réalisé pour le HuffPost début juin 2025, 74 % des personnes interrogées estiment que la décision de dissoudre l’Assemblée nationale n’était « pas pertinente ». Plus de la moitié (51 %) la jugent même « pas du tout » pertinente, tandis que seuls 12 % continuent à la considérer comme justifiée.
Ce rejet est particulièrement marqué chez les plus de 35 ans : 76 % des 35-54 ans et 80 % des plus de 55 ansdésapprouvent la dissolution. Pour une large majorité, le résultat a été inverse à celui escompté. 59 % des sondés considèrent que la France est moins stable depuis, et 47 % rejettent fermement l’idée d’une nouvelle dissolution.
Un pari politique aux effets ravageurs
Lorsqu’Emmanuel Macron convoque des élections législatives anticipées au soir des européennes, il le fait dans un contexte tendu : le Rassemblement national vient de réaliser une percée historique. L’objectif affiché est d’éviter l’enlisement institutionnel et de remettre à plat le débat public. Mais le remède se transforme en poison.
La chute du gouvernement de Michel Barnier, l’absence de budget pour 2025, une Assemblée encore plus divisée qu’avant : la dissolution a précipité la France dans une crise politique sans précédent. Même le chef de l’État, lors de ses vœux du 31 décembre 2024, reconnaît « davantage de divisions que de solutions » et prend « toute sa part » dans cet échec.
Une décision assumée… mais critiquée de toutes parts
Si certains proches du président continuent à défendre l’utilité du geste – citant la participation de LR au gouvernement, la « diversité sociopolitique » du nouveau Parlement ou encore l’affaiblissement du RN – la majorité des observateurs y voient un fiasco.
« Il n’est pas raisonnable de faire croire que l’on pourra tenir comme ça jusqu’en 2027 », prévient Jean-François Copé. À l’Assemblée, une procédure de destitution contre Emmanuel Macron est même validée par le bureau, et l’opposition crie au « déni de démocratie ».
Une manœuvre politique mal calibrée
En accélérant le calendrier électoral pour prendre de vitesse ses adversaires, Emmanuel Macron avait misé sur l’impréparation de la gauche. Gérald Darmanin lui avait soufflé l’argument. Mais le calcul se retourne contre lui. Le président avait même, selon ses proches, envisagé de « tolérer » une cohabitation avec Jordan Bardella à Matignon. Une hypothèse qui choque jusque dans son propre camp.
Derrière la manœuvre politique, certains soupçonnent une volonté de dissimuler l’ampleur du dérapage budgétaire. L’automne 2024 est marqué par une révélation brutale : 50 milliards d’euros de déficit imprévu. La Cour des comptes évoque alors une « dépense en roue libre ». À cette même période, le PIB par habitant de l’Italie dépasse celui de la France.
Une majorité explosée, une succession enclenchée
Au lendemain des législatives, la macronie implose. Gabriel Attal est sacrifié, une centaine de députés Renaissance sont éliminés, et le président se retrouve sans majorité. Il attendra trois mois avant de nommer un nouveau premier ministre, préférant laisser le pays en gestion courante pendant les Jeux olympiques. À l’Élysée, Alexis Kohler prépare dans l’ombre le retour de Michel Barnier, aussitôt affaibli.
Mais c’est finalement François Bayrou qui s’impose, profitant du vide pour faire valoir son poids politique et devenir premier ministre. Emmanuel Macron, de plus en plus isolé, entame alors une fin de mandat sous tension, marqué par un sentiment généralisé de déclin.
« La dissolution a sonné la fin de règne »
Un an après, Emmanuel Macron est plus seul que jamais, mais qu’importe, son ancien premier ministre, Edouard Philippe est prêts à prendre la relève malgré ses problèmes judiciaires. La dissolution a non seulement échoué à restaurer l’autorité présidentielle, elle a déclenché une course à la succession prématurée, trois ans avant l’échéance de 2027. Pour nombre de ses proches, l’acte politique du 9 juin 2024 a « sonné la fin de règne », mais cela sera le début d’un autre.
Le président s’accroche pourtant à sa légitimité constitutionnelle, affirmant vouloir « assurer la stabilité » jusqu’au terme de son mandat.
Sources : Le Monde, France Info.