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La France, haut lieu mondial de la Franc-Maçonnerie depuis le XVIIIe siècle

Alors que le nombre de francs-maçons diminue partout dans le monde, la France s’impose comme un haut-lieu mondial de la Granc-maçonnerie avec au moins 160 000 adeptes. Un succès qui peut s’expliquer par une longue tradition historique. La Maçonnerie Française d’origine Templière aurait été noyauté par les illuminés de Bavière et serait selon certains à l’origine de la Révolution Française. Elle a également joué un rôle important dans la promotion de l’égalité femme-homme et de la laïcité.

Contrairement à la tendance mondiale de baisse des adhérents, la France connaît une croissance unique en son genre. La Grande Loge nationale française (GLNF) et la Grande Loge de France (GLDF) sont les principales obédiences, chacune comptant entre 15 000 et 20 000 membres. En outre, de nombreuses autres obédiences comptent entre 1 000 et 5 000 membres. La France détient ainsi le record mondial du nombre de Grandes Loges sur un même territoire.

Au cours des dernières décennies, la franc-maçonnerie en France a presque triplé en nombre, une croissance inédite à l’échelle mondiale. Cette augmentation spectaculaire témoigne de l’attractivité et de la vitalité de la franc-maçonnerie dans l’Hexagone. La position dominante de la France dans le monde de la franc-maçonnerie s’explique en partie par son riche héritage culturel et historique.

Une tradition historique qui remonte au XVIIIe Siècle

Les premières loges de francs-maçons seraient apparues en Écosse en 1598, où des Templiers, fuyant la persécution, auraient infiltré les corporations des bâtisseurs de cathédrales, bien plus tôt, avant de se diffuser en Angleterre à la fin du XVIIe siècle, par l’intermédiaire d’aristocrates écossais jacobites, qui soutenaient la dynastie détrônée des Stuart et considéraient comme usurpateurs tous les rois et reines britanniques. En France, la franc-maçonnerie a émergé entre 1725 et 1730. Le chevalier de Ramsay, un Écossais converti au catholicisme et installé en France, a prononcé ce qui est considéré comme le premier discours franc-maçon de l’histoire de France en 1736. Les deux premiers Grands Maîtres en France furent les Anglais lord Derwentwater et lord Harnouester.

D’origine templière, comme mentionné par Ramsay dans son discours, la franc-maçonnerie Française aurait ensuite été infiltrée par les Illuminés de Bavière. Cette société secrète, composée de libres penseurs, rationalistes et progressistes se réclamant de la philosophie des Lumières, constituait la mouvance la plus radicale de cette époque. Fondée par Adam Weishaupt, issu d’une famille bourgeoise juive convertie au christianisme et élevé par les Jésuites, les Illuminés de Bavière visaient à renverser les princes et les religions, ce qui a conduit à leur interdiction en Allemagne. Weishaupt était influencé par les philosophes français et les jésuites qui étaient extrêmement influents, même s’ils étaient tombés en disgrâce, car ils continuaient à former les futures élites, mais en tant que matérialiste convaincu, il estimait en effet que les idées religieuses ne constituaient pas des bases suffisamment solides pour bâtir un gouvernement du monde et il souhaitait « devancer les forces conservatrices en formant une élite progressite », selon l’historien Stéphane François. Weishaupt avait pour objectif d’instaurer le bonheur universel grâce à la liberté de pensée, d’encourager le perfectionnement de l’humanité selon les principes de liberté, d’égalité et de fraternité, et de créer « un nouvel ordre mondial ».

L’ascension des Illuminés de Bavière fut facilitée par le ralliement du baron Adolf von Knigge, philosophe des Lumières, écrivain, compositeur et franc-maçon initié dans la loge du Lion couronné de Cassel, appartenant à la Stricte Observance templière. La Stricte Observance, fondée en 1755 par le baron von Hund, était la loge la plus puissante en Europe. Von Hund avait été initié à Paris et surveillant dans une loge à Versailles avant de fonder sa propre loge. La société trouva également un grand soutien avec le banquier Meyer Amschel Rothschild.

Le rôle de la Maçonnerie Lyonnaise dans l’abandon de la tradition templière et religieuse

À la mort de Hund, les théories templières au sein de la franc-maçonnerie étaient de plus en plus contestées. En 1778, le franc-maçon lyonnais Jean-Baptiste Willermoz a convoqué le Convent National des Gaules, qui s’est tenu du 25 au 27 décembre à Lyon. Lors de ce convent, les directoires des Ve et VIe provinces d’Auvergne et de Bourgogne ont décidé d’abandonner l’appellation de « templiers » pour adopter celle de Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte.

En 1782, le duc de Brunswick et le prince Charles de Hesse-Cassel, hauts dignitaires de la Stricte Observance, ont organisé un grand congrès à Wilhelmsbad, près de Hanau, en Allemagne. Ce congrès a rassemblé 36 francs-maçons venus de toute l’Europe, y compris une délégation de soyeux lyonnais composée de Willermoz, Pasqually et Louis Claude de Saint-Martin. Willermoz a plaidé pour l’abandon de la légende templière et proposé une « réforme des réformes » avec le Rite Écossais Rectifié, une réforme qu’il a réussi à faire adopter.

Willermoz est sorti grand vainqueur du convent général de Wilhelmsbad. Le « Code Maçonnique des Loges Réunies et Rectifiées de France », également connu sous le nom de « Code de Lyon », ainsi que le « Code Général des règlements de l’ordre des C.B.C.S. », ont servi de base au Rite Écossais Rectifié. Jean-Baptiste Willermoz, en tant que secrétaire francophone, a été chargé de rédiger ces textes. Cependant, son travail n’a jamais été validé en raison de l’éclatement de la Révolution Française, une période de grande expansion pour la franc-maçonnerie. Certains pensent même qu’elle a été orchestrée par les Francs-Maçons qui avaient été infiltrés par les Illuminés, visant à renverser les structures politiques et religieuses établies.

Le rôle de la Franc-Maçonnerie de la Révolution Française

Les Illuminés de Bavière auraient profité du grand Convent de Wilhelmsbad pour tenter d’imposer leur orientation idéologique. Adam Weishaupt, fondateur des Illuminés, aurait été l’un des instigateurs de cet événement, probablement avec la complicité des Lyonnais. Selon la littérature antisémite et royaliste, il aurait été décidé lors de cette réunion et lors d’une autre assemblée Francs-maçonne qui s’est tenu en 1785 à Francfort, du sort de Louis XVI et du roi de Suède Charles III. Ce dernier qui était membre de la Franc-Maçonnerie a été victime d’un complot, fomenté par la noblesse et peut-être les illuminés. Il fut assassiné d’un coup de pistolet  le 16 mars 1792, au cours du bal masqué de l’opéra royal de Stockholm, qui inspira Verdi. 

Après la réunion de 1782, le comte de Virieu, membre de la délégation française au convent général de Wilhelmsbad, a quitté la franc-maçonnerie, confiant au baron de Gilliers une conspiration « si bien ourdie qu’il sera pour ainsi dire impossible à la Monarchie et à l’Église d’y échapper ». Dans « Le Roman d’un royaliste », le marquis Costa de Beauregard évoque le destin tragique du vicomte de Wall, ami de Virieu, retrouvé mort après une rencontre à Fontainebleau avec des Allemands.

Dans « La France juive », Drumont cite une lettre du Cardinal Mathieu, archevêque de Besançon, affirmant que lors de la réunion de 1785, « le meurtre du roi de Suède et celui de Louis XVI furent résolus ». Après l’interdiction des Illuminés de Bavière, Johann Joachim Christophe Bode, devenu chef de l’ordre, s’est rendu en France en 1787, où il a rencontré des membres de la société secrète des « Philadelphes ». Dans son journal de voyage, Bode relate que certains individus projetaient de former un noyau secret de « Philadelphes » semblable aux Illuminés allemands.

En 1789, Jean-Pierre-Louis de Luchet publiait son « Essai sur la Secte des Illuminés », dénonçant les dirigeants des Illuminés de Bavière qu’il accusait de contrôler la franc-maçonnerie européenne. Selon la correspondance de Philippe d’Orléans, Grand Maître de la franc-maçonnerie française, la France comptait 282 loges en 1787. La franc-maçonnerie, ou plutôt l’illuminisme, aurait noyauté la plupart des loges françaises de 1780 à 1789, jouant un rôle majeur dans les événements de 1789.

À la veille de la Révolution, les loges de Paris comptaient parmi leurs membres des personnalités qui allaient s’impliquer dans les clubs, comités ou assemblées révolutionnaires. Par exemple, la Loge des Neuf Sœurs accueillait Condorcet, Danton, Brissot et Camille Desmoulins; la Loge la Candeur comptait Lafayette, le duc d’Aiguillon et le docteur Guillotin; tandis que Robespierre, Mirabeau, Marat et Fauchet étaient présents dans d’autres loges, aux côtés de grands seigneurs tels que le duc de La Rochefoucauld, le vicomte de Noailles, le comte de Montmorin et le prince de Broglie.

En 1787, le recrutement des frères maçons s’ouvrait aux membres du tiers état, y compris des bandits de grand chemin et des soldats. Le duc d’Orléans avait ordonné aux officiers de quitter les loges pour ne pas se retrouver sur un pied d’égalité avec leurs subordonnés.

Le Club des Jacobins, établi dans l’ancien couvent des Jacobins, adoptait des modes d’admission, une organisation et des engagements similaires à ceux de la franc-maçonnerie. La franc-maçonnerie utilisait le terme « suspect », repris plus tard par les Jacobins, et déclarait souvent être en danger, tout comme les Jacobins déclaraient la patrie en danger.

Frantz Funck-Brentano décrit dans son livre Les Brigands qu’au moment de la prise de la Bastille le 14 juillet, une « rumeur effrayante » se propagea sur tous les ponts du territoire, semant la panique, en mentionnant des brigands,, des anglais ou des savoyards qui « pillent les demeures, incendient les récoltes, égorgent les femmes et les enfants ». Une rumeur qui aurait pu être propagée par les 282 loges qui maillaient le territoire.

En 1798, l’abbé Augustin Barruel publia « Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme », soutenant la théorie d’une vaste conspiration impliquant Templiers, Rosicruciens, Jacobins et Illuminati. Barruel attribuait la création de la société des Illuminati à Adam Weishaupt et Emmanuel Swedenborg, mystique suédois ayant affirmé dialoguer avec des anges, des esprits, et même Dieu.

Selon le député Choudieu, Louis XVI n’a jamais donné l’ordre de cesser le feu aux défenseurs des Tuileries, contrairement à ce qui a été rapporté. De plus, l’Assemblée avait voté l’emprisonnement du roi au Luxembourg, mais il fut finalement emprisonné dans la tour du Temple. Barruel affirme qu’à ce moment, de nombreux francs-maçons se sont répandus dans Paris, proclamant l’égalité et la liberté pour tous.

Gustave Bord, dans la « Revue de la Révolution », a examiné chaque vote de l’Assemblée concernant l’exécution de Louis XVI, découvrant des irrégularités flagrantes. Parmi les votants, certains n’avaient pas l’âge requis ou n’étaient pas de nationalité française, et plusieurs ne figuraient pas sur la liste des représentants. Ces irrégularités ont conduit à un vote frauduleux, la condamnation à mort du roi ayant été décidée à une voix près.

Le municipal Goret, membre de la commune insurrectionnelle racontera plus tard avoir « toujours pensé qu’un parti occulte et puissant mettait la main à tout cela ». 

Durant la Révolution, le maçon Lyonnais, Willermoz s’est réfugié chez son frère dans l’Ain. Il a réapparu en 1800 et a été nommé conseiller général du Département du Rhône. Entre temps la Stricte Obédience templière avait disparu définitivement le 3 juillet 1792. La Franc-maçonnerie a perdu son héritage templier et religieux, prônant désormais la laïcité.

Naopléon a ensuite réorganisé la franc-maçonnerie autour du Grand Orient de France, suscitant un engouement sans le nombre de loges passant de 300 à 1200 sous le Premier Empire. 

La Maçonnerie Française et l’Égalité Femme-Homme

Les maçons français furent les premiers à accorder officiellement aux femmes le droit d’entrer dans le temple. Le 10 juin 1774, le Grand Orient avait déjà reconnu officiellement les « loges d’adoption », permettant d’accueillir des parentes de maçons et des femmes de la noblesse, mais aucune femme enceinte, lors de réunions dirigées par des hommes. Les loges d’adoption devaient obligatoirement être rattachées à une loge masculine dont elles portaient le nom. Leurs travaux devaient être dirigés par des officiers d’une loge régulière. Loin d’être traitées à égalité avec les frères, les femmes restaient des invitées dans des assemblées où un rituel spécifique avait été créé pour elles. Avant la révolution, un dixième des réunions environ impliquait la gente féminine. Les franc-maçonnes du XVIIIe siècle n’avaient pas de véritable initiation et étaient orientés vers la philanthropie, une des valeurs principales prônées par la Maçonnerie.

À partir de 1840, le Grand Orient de la franc-maçonnerie commence à organiser des cérémonies d’adoption et des baptêmes maçonniques pour les enfants de maçons et organise des réunions mixtes jusqu’en 1863, incluant des enfants. Malgré les résistances et un contexte politique conservateur sous Napoléon III, le débat sur l’admission des femmes en franc-maçonnerie émerge, tout comme la question des Droits Humains. Au convent de 1869, la question de la mixité est soulevée, mais les délégués décidèrent de maintenir le statu quo avec la maçonnerie d’adoption.

Toutefois, depuis 1840, les féministes avaient commencé à organiser des réunions publiques et à créer leurs propres journaux, attirant un public croissant, surtout dans les années 1860, diffusant les nouvelles venues de l’étranger. En 1869, l’Angleterre accordait le droit de vote municipal aux femmes non mariées, et dans l’État américain du Wyoming, toutes les femmes pouvaient désormais voter. En 1866, Maria Deraismes était admise comme conférencière au Grand Orient, lors d’une réunion publique, une première, permettant de prôner le rationalisme et l’anticléricalisme.

En 1869, Maria Deraismes fondait le journal Le Droit des femmes, avec Léon Richer, un frère du Grand Orient. Le 16 avril 1870, ils créaient l’Association pour le Droit des Femmes, qui comptait parmi ses membres la célèbre militante socialiste, Louise Michel, surnommée « la Vierge rouge ». Le 11 juillet 1870, le premier banquet féministe avait lieu, suivi d’un second un an plus tard, présidé par Louis Blanc et Victor Hugo, qui aurait fait partie de la Maçonnerie, comme en atteste plusieurs documents évoquant sa nomination en tant que « membre honoraire » de la loge San Andrès n° 9 de la Havane à Cuba, ou l’annonce faite que le « frère Victor Hugo » a été fait « Grand Inspecteur Général et membre actif du Suprême Grand Orient » de Mexico. Les droits civils et politiques des femmes devinrent une revendication majeure soutenue par de nombreux francs-maçons.

Les associations et les journaux féministes ont ensuite continué à se multiplier atteignant le public et principalement la classe ouvrière. De 1871 à 1914, 35 publications féministes ont vu le jour. Seul le quotidien La Fronde, créé par la socialiste féministe Marguerite Durand, bénéficiait toutefois d’une renommée internationale. L’hebdomadaire Le Droit des femmes, rebaptisé plus tard L’Avenir des femmes, fondamentalement anticlérical a également connu un grand succès. En 1876, il consacrait une page à la franc-maçonnerie, marquant le premier anniversaire de l’initiation d’Émile Littré et de Jules Ferry.

L’École de la République et la laïcité

La Franc-Maçonnerie a ensuite été à l’origine de « l’Ecole publique, laïc, obligatoire », mise en place par Ferry, qui était lui même Franc-maçon, comme nous l’a confirmé l’ancien grand maître du Grand Orient Philippe Faussier au mois d’avril. « Quand la Troisième République s’est installée à partir de 1870, les francs-maçons ont joué un rôle très important pour accompagner justement la création de cette école publique, laïque, gratuite, obligatoire,qui va s’incarner dans les lois de Jules Ferry, de 1881 et1882. Jules Ferry lui-même était franc-maçon, et donc les francs-maçons ont joué un rôle très important », nous a-t-il expliqué. Au sein de l’École, la Maçonnerie s’est attaquée aux congrégations religieuses. « Il y avait un monopole des congrégations religieuses, où en tout cas elles avaient un rôle prépondérant, primordial. Et donc cette école de la République, elle a été aussi conçue en opposition. C’était une époque qui est évidemment révolue, où il y avait un camp républicain, et Victor Hugo l’avait défini ainsi un parti clérical. Et donc il y avait un peu deux Frances qui s’opposaient. Une France qui voulait revenir à l’Ancien Régime, autour de l’Église catholique, et puis une France qui voulait justement bâtir la République. Et donc l’école publique, elle s’est construite aussi dans ce contexte-là. Ça a été une très forte conflictualité. Les congrégations religieuses, pour beaucoup d’entre elles, se sont opposées aux nouvelles lois de la République. Et donc la République, à ce moment-là, en a fermé beaucoup », a précisé Philippe Faussier.

La Maçonnerie a continué jusqu’à nos jours à promouvoir la laïcité, comme en témoigne encore aujourd’hui le discours du président Français et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron, qui avait fêté sa première victoire présidentielle devant la pyramide du Louvre, sans doute en référence aux « frères » et « soeurs ». La France Maçonnerie est désormais constituée de plusieurs obédiences, Le Grand Orient de France, La Grande Loge de France, La Grande Loge nationale française, dite « Bineau », Le Droit humain, La Grande Loge féminine de France, La Grande Loge traditionnelle et symbolique dite « Opéra », La Loge nationale française, La Grande Loge féminine de Memphis-Misraïm, La Grande Loge mixte universelle et la Grande Loge mixte de France, L’Ordre initiatique et traditionnel de l’Art royal, ou encore les Loges du 21siècle, qui ont des traditions et des philosophies différentes.

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