En 2024, pour la première fois de son histoire, le Rassemblement National (RN) arrive en tête des élections législatives. Pourtant, il y a 50 ans, ce parti ne dépassait à peine 1% des voix. Le fond de son programme n’a pas radicalement changé, mais plusieurs facteurs ont contribué à cette montée en puissance, dont les politiques menées par ses adversaires politiques successifs.
Dans les années 70, alors connu sous le nom de Front National (FN), le parti d’extrême droite enchaînait les défaites. Fondé par des militants néofascistes, le FN devait se différencier des partis traditionnels tout en restant crédible. Jean-Marie Le Pen, déjà député sous l’étiquette « Indépendants de Paris », la fédération parisienne autonome du Centre national des indépendants et paysans (CNIP), qui comptait parmi ses personnalités politiques les plus marquantes, Antoine Pinay, président du Conseil des ministres, membre du groupe Bilderberg, à la tête des réseaux Stay-Behind de l’OTAN, fut recruté pour incarner une version plus présentable du projet du parti. Le Pen avait participé aux guerres d’Indochine et d’Algérie, et commencé son parcours politique dans les courants poujadistes.
Le FN lança le slogan « Un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop », imaginé par François Duprat, néofasciste antisémite et numéro 2 du parti. En se concentrant sur la dimension sociale de l’immigration, le FN espérait se légitimer et cesser d’être perçu comme un groupe de fascistes.
Le rôle joué par François Mitterand
L’élection de François Mitterrand en 1981, avec la victoire de la gauche à la présidentielle, contre Valérie Giscard D’Estaing, membre du groupe Bilderberg provoqua un traumatisme pour certains électeurs de droite. À noter que VGE était le petit fils de Jacques Bardoux qui était l’origine de l’arrivée au pouvoir d’Antoine Pinay, en ayant proposé de former un gouvernement d’union nationale en 1952, après avoir dramatisé sur « la situation économique » et prédit « une crise grave ».
En 1986, grâce au mode de scrutin proportionnel instauré par Mitterrand, qui avait servit sous Vichy et était récipiendaire de l’ordre de la Francisque gallique une décoration qui est attribuée par le régime collaborationniste en tant que marque spéciale d’estime à Philippe Pétain, 35 députés du FN firent leur entrée à l’Assemblée nationale. La montée du chômage et le racisme croissant en Europe favorisèrent le discours du FN.
Jean-Marie Le Pen parvint également à se faire inviter dans les médias, marquant une percée significative lors de son passage dans l’émission « L’Heure de vérité » en 1984, ce qui permit au FN de gagner en visibilité et en adhérents.
Les Limites et les ajustements des années 90
Malgré quelques succès, le FN peinait à progresser significativement. Jean-Marie Le Pen ajusta son programme dans les années 90 pour le rendre plus social et attirer les classes populaires déçues par la gauche. Toutefois, ses déclarations controversées, comme celle sur les chambres à gaz qualifiées de « point de détail » de la Seconde Guerre mondiale, nuisirent à sa crédibilité.
Le succès au tournant du siècle
À la fin des années 90, après la victoire de la France « Black, blanc, beur » à la coupe du monde 98, le FN a toutefois réalisé une percée alors que se multipliaient les émissions sur l’insécurité. Après le 11 septembre 2001 et l’affaire Paul Voise, du nom d’un retraité qui s’était fait roué de coup et dont la maison avait été incendiée, trois jours avant le premier tour de l’élection, Jean-Marie Le Pen arrivera au second tour des élections présidentielle à la surprise générale, devant le premier ministre Lionel Jospin, membre du club, le Siècle, créé par des franc-maçons « résistants » après la guerre. L’agression de Paul Voise, avait ému la France entière et avait eu un grand retentissement médiatique, notamment en plein « samedi de réflexion », lorsque la campagne avait été interrompue dans les médias audiovisuels. Au soir du second tour, le président du Crif, Roger Cukierman, qui a eu comme assistant le journaliste Alexandre Adler, un habitué des réunions du groupe Bilderberg, avait déclaré « je condamne, mais je comprend ».
La dédiabolisation
Après l’effondrement du FN post-2002, le parti connut un renouveau sous la direction de Marine Le Pen. Elle chercha à normaliser l’image du parti, désormais appelé Rassemblement National, et à se démarquer de son père tout en conservant les bases du programme.
L’émergence de nouveaux médias et la montée de thèmes sécuritaires et identitaires aidèrent le RN à s’imposer dans le débat public. La stratégie de normalisation porta ses fruits, avec des scores électoraux en hausse depuis 2007.
Le cheminement de l’idée de l’union des droites
Au cours des années 1980, Le Club de l’Horloge, un groupe de pensée classé à l’extrême droite, qui se disait adepte du national-libéralisme et comptait parmi ses contributeurs, Raymond Barre, membre du groupe Bilderberg, a commencé à soutenir l’idée d’une alliance de la droite avec le Front National. Cette stratégie sera explorée par Bruno Mégret qui s’était imposé comme numéro deux du Front national, avant un affrontement interne Jean-Marie Le Pen dans les années 90. Alors que Barre était maire de Lyon, Charles Millon a été réélu à la tête de la Région en 1998 avec les voix du Front national, mais verra son mandat écourté en 1999 par l’annulation de l’élection. Un autre chantre de l’Union des droites était Patrick Buisson, journaliste élevé dans les idées Maurassiennes, qui a publié en 1984, Le Guide de l’opposition, dans lequel il recensait les partis, personnes et clubs de droite et d’extrême droite des villes de France, dans la perspective d’une alliance contre la gauche. Jean-Marie Le Pen lui proposera même d’être candidat aux élections législatives de 86 mais il finira par décliner la proposition et deviendra conseiller du président et contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial,
Le rôle de Nicolas Sarkozy
En 2007, le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Nicolas Sarkozy, fit campagne sur des thèmes proches de ceux du FN, récupérant certains de ses électeurs.
Buisson qui sera le conseiller de Sarkozy a d’ailleurs joué un rôle crucial dans son élection et a promu des thèmes tels que l’identité nationale et l’immigration. Cependant, sur le long terme, cela renforça le RN en légitimant ses thématiques.
Jordan Bardella, successeur de Marine Le Pen à la tête du partie, poursuivit cette stratégie de normalisation, facilitant l’acceptation du RN comme une alternative politique crédible.
Le rôle d’Emmanuel Macron
La politique menée par le contributeur de l’agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron, a également été favorable au Rassemblement national. Il a repris à son compte le débat initié par Buisson et Sarkozy sur l’identité national et à clairement désigné l’extrême droite comme son ennemi favori, lui ouvrant en grand les portes de l’Assemblée nationale en annonçant sa dissolution dans un contexte qui lui était favorable.
En 2024, après avoir remporté les élections européennes et législatives, le RN s’impose comme la première force politique en France. Le contexte de crises économiques et internationales, couplé à une stratégie soutenue par de nombreux médias, mais surtout la stratégie des divers partis qui se sont succédés au pouvoir, a permis au Rassemblement national de transformer des thématiques jadis marginales en enjeux centraux du débat public.